Injonction contre les poursuites confirmée à l’appui d’une convention d’arbitrage
Par Alison Bond
Dans l’affaire UniCredit Bank GmbH c. RusChemAlliance, LLC [2024] UKSC 30, la Cour suprême du Royaume-Uni a estimé que les tribunaux anglais sont compétents pour décider si une convention d’arbitrage est régie par le droit anglais, bien que le siège de l’arbitrage se trouve à Paris en France. En outre, bien que le siège de l’arbitrage soit à Paris, le tribunal anglais est compétent pour accorder une injonction contre les poursuites afin d’empêcher une atteinte à la convention d’arbitrage.
Contexte du différend
Le différend est né de certains contrats obligataires conclus entre UniCredit Bank GmbH (« Unicredit ») et RusChemAlliance LLC (« RusChem »), que certains entrepreneurs allemands ont déclaré ne pas pouvoir exécuter en raison des sanctions imposées à la Russie par l’Union européenne à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022[1]. Les obligations sous-jacentes sont régies par le droit anglais et comportent une clause selon laquelle les différends qui en découlent seront résolus par un arbitrage de la Chambre de commerce internationale siégeant à Paris.
RusChem a intenté une action contre UniCredit devant les tribunaux russes. UniCredit a répondu en demandant aux tribunaux anglais une injonction et une mesure de redressement déclaratoire au motif que RusChem avait entamé la procédure russe en violation des conventions d’arbitrage des parties[2].
Le tribunal de première instance a estimé que les tribunaux anglais ne sont pas compétents pour entendre la demande, mais a maintenu l’injonction provisoire contre les poursuites dans l’attente de la procédure d’appel[3].
La Cour d’appel a fait droit à l’appel[4] d’UniCredit et accordé une injonction définitive[5]. Elle a conclu que le tribunal anglais est compétent pour entendre la demande parce que la convention d’arbitrage sous-jacente est régie par le droit anglais et que l’Angleterre et le Pays de Galles sont les lieux appropriés pour intenter l’action[6].
La seule question en appel devant la Cour suprême était de savoir si le tribunal anglais est compétent pour statuer sur la demande d’UniCredit.
Décision de la Cour suprême
La décision de la Cour suprême sur la compétence de la cour anglaise dans le cadre de la demande d’UniCredit dépendait de son accord avec la Cour d’appel sur le fait que les conventions d’arbitrage pour les obligations étaient régies par le droit anglais et que l’Angleterre et le Pays de Galles étaient les lieux appropriés pour intenter l’action.
- La question du droit applicable
Sur la question du droit applicable, la Cour suprême a examiné sa décision dans l’arrêt Enka Insaat ve Sanayi ASc. OOO Insurance Company Chubb, [2020] UKSC 38 (« Enka »). Dans cet arrêt, elle estime qu’un choix de loi régissant le contrat doit généralement être interprété comme s’appliquant à une convention d’arbitrage énoncée (ou intégrée par renvoi) dans une clause du contrat, même lorsque les parties ont choisi un pays disposant d’un système de droit différent comme siège de l’arbitrage[7].
Appliquant les principes de l’arrêt Enka, la Cour suprême a conclu, dans l’affaire UniCredit Bank GmbHc. RusChemAlliance, que les conventions d’arbitrage étaient régies par le droit anglais bien que le siège de l’arbitrage soit Paris. La Cour suprême a déclaré que « l’intention que la convention d’arbitrage soit régie par la loi qu’un tribunal du siège considérerait comme la loi qui doit la régir ne serait pas une intention raisonnable à attribuer aux parties contractantes (en l’absence de termes exprès à cet effet) »[8].