Churchill, Halsey et de nouvelles perspectives pour le règlement extrajudiciaire des différends en droit anglais
Par Paul D. Godin, B.A. B.Sc. LL.B. Méd.A
La décision de la Cour d’appel de l’Angleterre (« CAA ») dans l’affaire James Churchill c. Merthyr Tydfil County Borough Council, [2023] EWCA Civ 1416 (« Churchill ») a considérablement modifié l’approche de la common law anglaise sur la question de savoir si les parties peuvent être obligées par les tribunaux à recourir à la médiation. Depuis 2004, l’Angleterre et de nombreux régimes de common law influencés par l’Angleterre (Commonwealth) ont été gênés dans leur capacité à ordonner aux parties de recourir à la médiation dans le cadre d’un litige ou d’une procédure comparable à la suite de la décision de la CAA dans l’affaire Halsey c. Milton Keynes General NHS Trust, [2004] EWCA Civ 576 (« Halsey »), ce qui a eu pour effet de limiter le recours à la médiation. La décision Churchill permet désormais aux tribunaux d’ordonner la participation à des procédures de règlement extrajudiciaire des différends comme la médiation.
La décision de la Cour d’appel de l’Angleterre (« CAA ») dans l’affaire James Churchill c. Merthyr Tydfil County Borough Council, [2023] EWCA Civ 1416 (« Churchill ») a considérablement modifié l’approche de la common law anglaise sur la question de savoir si les parties peuvent être obligées par les tribunaux à recourir à la médiation. Depuis 2004, l’Angleterre et de nombreux régimes de common law influencés par l’Angleterre (Commonwealth) ont été gênés dans leur capacité à ordonner aux parties de recourir à la médiation dans le cadre d’un litige ou d’une procédure comparable à la suite de la décision de la CAA dans l’affaire Halsey c. Milton Keynes General NHS Trust, [2004] EWCA Civ 576 (« Halsey »), ce qui a eu pour effet de limiter le recours à la médiation. La décision Churchill change la donne.
Selon la décision Halsey, l’obligation faite à une partie de recourir à la médiation pour avoir accès à un procès constitue une violation du droit des parties à un procès équitable, contraire à l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) 1.
Depuis deux décennies, les critiques à l’encontre de la décision Halsey se sont multipliées, émanant de multiples sources (commentateurs, tribunaux, législateurs, universitaires et organismes juridiques), et ce, pour de multiples raisons.2
Tout d’abord, une procédure de médiation non contraignante n’empêche pas réellement les parties d’accéder à un procès équitable. L’obligation pour les parties de recourir à la médiation ne les oblige pas à transiger. Elles peuvent refuser et poursuivre le procès. Rendre la médiation obligatoire n’est pas très différent de l’obligation faite aux parties de passer par une conférence préparatoire au procès (une autre procédure non contraignante, mais potentiellement utile) avant d’être autorisées à accéder à un procès.
Deuxièmement, la décision Halsey a fortement ralenti l’élan en faveur du règlement extrajudiciaire des différends qui s’était développé après les réformes de l’accès à la justice de Lord Woolf 3. La tendance à l’expansion du recours à la médiation s’est heurtée à un obstacle majeur.
Troisièmement, pour contourner Halsey tout en continuant d’encourager la médiation, les tribunaux et les législateurs anglais ont constitué un ensemble complexe de jurisprudence sur les conséquences financières d’un refus déraisonnable de la médiation [4]. La porte d’entrée étant fermée, des portes latérales se sont ouvertes par la jurisprudence et les règles, un mélange d’incitations à la médiation et de conséquences négatives en cas de refus inapproprié. Les parties qui obtenaient gain de cause, par exemple, pouvaient subir une réduction des indemnités auxquelles elles auraient normalement eu droit. La jurisprudence s’est multipliée pour déterminer si les parties avaient opposé une résistance déraisonnable à la médiation, dans quelle mesure elles avaient résisté, s’il était approprié de résister ou de retarder, etc.
Dans l’affaire Churchill, la CAA a été appelée à se pencher de nouveau sur la question, avec des interventions notables des parties prenantes du règlement extrajudiciaire des différends et du secteur juridique (la Law Society, le Bar Council, le Civil Mediation Council, le Centre for Effective Dispute Resolution et le Chartered Institute of Arbitrators), entre autres. Cet auguste éventail de voix juridiques n’a pas été mis à contribution dans le cadre d’un litige commercial de plusieurs milliards de livres, mais plutôt dans le cadre d’une décision du conseil local gallois de Merthyr Tydfil concernant une infestation timide, mais apparemment pas ralentie, d’une plante nommée « renouée du Japon » qui traversait les limites d’une propriété.
Alors oui, la décision anglaise la plus importante en matière de médiation obligatoire concerne la propagation d’une mauvaise herbe prétendument nuisible.
Le demandeur dans l’affaire Churchill a eu recours directement aux tribunaux pour alléguer des dommages causés par l’inattention du propriétaire du terrain voisin (le Conseil), en contournant la procédure de plainte du Conseil. Le Conseil a alors demandé un sursis à statuer, arguant que sa procédure de plainte devait être appliquée.
Le juge de district adjoint a statué que le tribunal était lié par la décision Halsey et que l’obligation pour les parties réticentes de recourir à la médiation constituerait une « obstruction inacceptable à leur droit d’accès au tribunal ». Cette conclusion a donné lieu à un débat devant la Cour d’appel.
Selon la CAA, les commentaires de Halsey sur la médiation étaient incidents et non contraignants.
La CAA aborde ensuite directement la question de savoir si le tribunal peut « légalement suspendre la procédure ou ordonner aux parties de s’engager dans un processus de règlement des différends non judiciaire » (comme la médiation), sans enfreindre la CEDH. En fin de compte, la CAA conclut que de telles ordonnances peuvent être rendues, pourvu que « l’ordonnance rendue :
- ne porte pas atteinte à l’essence même du droit des parties à un procès équitable;
- soit rendue dans la poursuite d’un but légitime; et
- soit proportionnée à la réalisation de cet objectif ».
Le fait que la procédure de règlement des différends soit prévue par la loi ou non n’a pas d’importance.
La CAA laisse à la discrétion de chaque tribunal confronté à la question les détails relatifs à la manière et au moment de rendre une telle ordonnance, tout en citant une liste non exhaustive de facteurs pertinents pouvant être pris en compte :
- la forme de règlement extrajudiciaire des différends envisagée;
- si les parties ont été conseillées ou représentées légalement;
- si le règlement extrajudiciaire des différends était susceptible d’être efficace ou approprié en l’absence d’un tel conseil ou d’une telle représentation;
- s’il a été précisé aux parties que, si elles ne parviennent pas à un règlement, elles sont libres de poursuivre leur demande ou leur défense;
- l’urgence de l’affaire et le caractère raisonnable du retard causé par le règlement extrajudiciaire des différends;
- si ce retard vicie la demande ou donne lieu à un problème de prescription ou l’exacerbe;
- les coûts du règlement extrajudiciaire des différends, tant sur le plan absolu que par rapport aux ressources des parties et à la valeur de la demande;
- l’existence d’une perspective réaliste de résolution de la réclamation au moyen du règlement extrajudiciaire des différends;
- l’existence d’un déséquilibre important entre les niveaux de ressources, le pouvoir de négociation ou les connaissances des parties,
- les raisons invoquées par une partie pour ne pas vouloir recourir à la médiation : par exemple, si une tentative récente de règlement extrajudiciaire des différends a déjà échoué;
- le caractère raisonnable et proportionné de la sanction si une partie a refusé le règlement extrajudiciaire des différends en dépit d’une ordonnance de la Cour.
La CAA soutient que les futurs tribunaux seront « bien qualifiés pour décider si un processus particulier est ou n’est pas susceptible d’atteindre un objectif important, à savoir apporter une solution équitable, rapide et économique au différend et à la procédure, conformément à l’objectif primordial, ou approprié à cet effet ».
Pour l’avenir, de nouvelles portes sont désormais ouvertes à la médiation dans les régimes du Commonwealth, même si l’on ignore encore précisément comment ces portes seront utilisées. Le Royaume-Uni pourrait rejoindre une liste croissante de pays (Canada, États-Unis, Italie, Autriche, etc.) qui ont mis en place des formes de médiation obligatoire dans leurs tribunaux et leurs systèmes de règlement des différends. Une nouvelle série de règlements extrajudiciaires des différends, de règles judiciaires et de lois pourrait voir le jour au Royaume-Uni.
[1] L’article 6 de la CEDH se lit ainsi : « 1 Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi […]. »
[2] Les avocats, les tribunaux, les législateurs, les organismes de règlement extrajudiciaire des différends et d’autres ont exercé des pressions. Voir l’article Civil Justice Council’s June 2021 Compulsory ADR report, pour ne citer que l’un des exemples les plus récents.
[3] Harry Woolf, Access to Justice: Final Report to the Lord Chancellor on the Civil Justice System in England and Wales (HMSO 1996).
[4] Pour ne citer que quelques exemples, voir Re Midland Linen Services Ltd., Chaudhry v Yap and others, [2005] EWHC 3380 (Ch); LMS International Ltd and others v. Styrene Packaging and Insulation Ltd and others, [2005] EWHC 2113 (TCC), [2006] BLR 50; P4 Ltd. v. Unite Integrated Solutions Plc [2006] EWHC 2924 (TCC), [2007] BLR 1 TCC; Carleton and others v. Strutt and Parker (a partnership), [2008] EWHC 424 (QB); Richards and another v. Speechly Bircham LLP and another, [2022] EWHC 1512 (Comm), HHJ Russen QC; Epoq Legal Ltd v. DAS Legal Expenses Insurance Co Ltd., [2022] EWHC 1577 (Comm).
Paul Godin est le fondateur de Katalyst Resolutions basé à Victoria. Il est un médiateur d’expérience, un avocat, un accompagnateur en résolution de conflits et un enquêteur qui a accumulé plus de 20 ans d’expérience globale en formation de professionnels en négociation, à la résolution de conflits et à l’accompagnement.