Résolution des différends dans les projets de construction
Par George Jergeas, PhD., ing.
Ce dernier article sur les différends dans les projets de construction se penche sur les cinq méthodes de résolution formelles des différends les plus utilisées dans ce secteur. Ces méthodes sont la négociation, le recours à un tiers neutre, la mise sur pied d’un conseil d’examen du propriétaire, la mise sur pied d’un conseil de résolution des différends et la médiation. La rapidité des procédures et l’emprise que les parties peuvent exercer sur les résultats varient d’une méthode à l’autre. Si les parties ne parviennent pas à résoudre un différend au moyen de ces méthodes, elles auront toujours la possibilité de recourir à l’approche traditionnelle de l’arbitrage ou des tribunaux.
Bien qu’il soit impossible d’éviter les risques de différends dans les projets de construction, il est toutefois possible de recourir à l’arbitrage et aux procédures juridiques en faisant preuve d’un minimum d’application, de créativité et de discernement. La négociation est de loin le meilleur moyen de résoudre un différend. Elle est peu coûteuse et, surtout, elle permet aux parties d’avoir une emprise sur le dénouement du différend.
En cas de réclamation, le problème devrait pouvoir être résolu au niveau du projet par la négociation entre les parties concernées. Une réclamation qu’on ne parvient pas à résoudre au niveau du projet devient un « différend » qui, en tant que tel, peut exiger de recourir à une méthode de prévention et de règlement des différends, à un arbitrage ou à des procédures juridiques.
On entend par méthodes de « prévention et de règlement des différends » (PRD) les divers moyens utilisés pour résoudre un différend sans avoir recours à l’arbitrage ou aux tribunaux, qui sont des processus longs et coûteux. Certaines parties excluent l’arbitrage des méthodes de PRD, notamment pour les raisons suivantes :
- C’est un processus long et coûteux qui mobilise des ressources au détriment des efforts visant à produire de la valeur ajoutée.
- Elle compromet et détériore les relations d’affaires et la réputation des parties.
L’équipe de gestion du projet du propriétaire doit se référer au contrat et appliquer les conditions prévues par la clause sur la résolution des différends. Quoi qu’il en soit, le présent article présente et décrit cinq formes non contraignantes de méthodes de PRD utilisées dans le secteur de la construction lorsqu’un différend survient et que le personnel du projet ne parvient pas à le résoudre par la négociation.
Recours à un tiers neutre
Cette méthode consiste à faire appel à un professionnel impartial qui fournira des conseils et proposera des décisions en toute objectivité. Il s’agit d’une tierce partie qui vient sur place pour écouter les deux parties et analyser leurs positions. Les parties sont informées à un stade précoce du conflit de la solidité de leur dossier aux yeux d’une partie neutre. L’évaluation menée en toute neutralité peut ouvrir la voie à un règlement négocié sur lequel les deux parties peuvent s’entendre et qui satisfait à leurs besoins.
Mise sur pied d’un conseil d’examen du propriétaire
Cette méthode consiste pour les propriétaires, en particulier ceux dont les programmes de construction sont de grande envergure et de longue durée, à mettre sur pied un conseil d’examen interne chargé de juger les différends qui ne peuvent être résolus au niveau du projet. Ce conseil est généralement composé d’employés de très haut niveau (ou d’employés retraités de haut niveau) qui font partie du personnel du propriétaire. Ces derniers sont chargés d’examiner les différends en interne afin de régler certains problèmes, comme des conflits de personnalités ou une interprétation erronée des exigences du contrat. L’équipe des conseillers juridiques du propriétaire peut apporter son aide. Ces conseils peuvent toutefois être considérés comme partiaux par des parties externes.
Mise sur pied d’un conseil de résolution des différends
Un conseil de résolution des différends est un panel de trois examinateurs expérimentés, respectés et impartiaux constitué avant le début des travaux et qui se réunit périodiquement sur le chantier. Le propriétaire désigne généralement un membre que l’entrepreneur doit approuver, l’entrepreneur désigne un membre que le propriétaire doit approuver et les deux personnes sélectionnées désignent le troisième membre, qui doit être approuvé par les deux parties. Les trois membres désignent ensuite l’un d’entre eux pour occuper le poste de président, sous réserve de l’approbation du propriétaire et de l’entrepreneur.
Les membres du conseil de résolution des différends examinent les documents contractuels, se familiarisent avec les procédures du projet et les différents intervenants et sont tenus au courant de la progression et du déroulement des travaux. Ses membres rencontrent les représentants du propriétaire et de l’entrepreneur lors de visites périodiques sur le chantier et encouragent la résolution des différends au niveau du projet.
Les différends peuvent être soumis à une audience du CRD, où chaque partie explique sa position et répond aux questions. Le CRD examine ensuite les documents contractuels, la correspondance et d’autres documents pertinents, ainsi que les circonstances particulières du différend.
Le CRD rédige une recommandation non contraignante pour la résolution du différend comprenant une évaluation des faits, les dispositions du contrat et la justification de sa conclusion.
Médiation
La médiation est un processus volontaire dans le cadre duquel un médiateur aide les parties à parvenir à un accord de manière collaborative, consensuelle et éclairée. Dans une médiation typique, les parties choisissent conjointement un médiateur dont le rôle consiste à les aider à parvenir à une résolution mutuellement satisfaisante du différend.
L’objectif du médiateur est d’aider les parties à trouver elles-mêmes l’accord le plus constructif. Le médiateur est tenu de travailler au nom de chaque partie de manière égale et ne peut donner de conseils juridiques à titre individuel à aucune des parties. Un médiateur ne rend pas de décisions. Son rôle consiste plutôt à aider les parties à évaluer leurs risques respectifs et à trouver un terrain d’entente.
Les recommandations ou déclarations faites par le médiateur ne sauraient constituer un avis juridique et la médiation ne saurait se substituer à un avis juridique indépendant. Les parties sont encouragées à solliciter des avis tout au long du processus de médiation et il leur est fortement conseillé de soumettre leur cas à un examen juridique indépendant avant de signer tout accord résultant de la médiation.
Médiation fondée sur les faits
Les parties qui optent pour cette méthode désignent conjointement un conseiller en réclamations ou un conseiller en PRD pour obtenir des services de médiation fondée sur les faits lorsque la recherche d’une solution de résolution du ou des problèmes requiert de procéder à une analyse avant de pouvoir aborder le problème de manière objective. Les deux parties font appel à une seule et même entité pour mener une analyse juridique approfondie et objective, qui débouche sur un rapport final présenté aux deux parties.
George Jergeas, PhD, ing., professeur émérite et ancien directeur de la gestion de projet, Université de Calgary. George se passionne pour les relations collaboratives, les réclamations et les litiges, ainsi que pour le conseil et la formation en gestion de projet. George a comparu en tant que témoin expert devant la Commission d’enquête concernant le projet de Muskrat Falls. Il participe actuellement à la médiation d’un différend en matière de construction en Alberta.