Plus jamais dans l’ombre : la contribution du médiateur à la santé mentale et au bien-être
Par Oliver Martin Jr
Les employeurs négligent souvent le rôle vital que joue le médiateur sur le lieu de travail en matière de santé mentale. L’indice de santé mentale d’octobre 2023 de TELUS souligne que les conflits au travail entraînent une perte de productivité de 23 %. Reconnaissons et discutons de la contribution des médiateurs à la santé mentale et aidons les clients à reconnaître la médiation comme un investissement dans le bien-être organisationnel.
Les employés expriment souvent leur gratitude après la première réunion de médiation, en avouant par exemple : « Merci de m’avoir écouté; je me sens mieux par rapport à la situation ». Certains disent même avec humour : « Merci pour la thérapie gratuite », versant parfois des larmes en repensant à leurs conflits stressants. Ces réactions révèlent le soulagement du stress obtenu grâce à l’intervention d’un médiateur sur le lieu de travail. Dans ces moments privés, je me rends compte que je ne me contente pas de comprendre les points de vue et de guider les parties dans le processus de médiation : je soutiens activement leur santé mentale et les aide à fonctionner de manière plus productive sur le lieu de travail. Curieusement, cet aspect est rarement abordé par les médiateurs.
Au cours de mes 15 années d’expérience en tant que médiateur sur le lieu de travail, je me suis souvent questionné sur les raisons de l’absence de discussions sur la manière dont notre rôle et le processus de médiation peuvent réellement aider les organisations à relever leurs défis en matière de santé mentale. Il est temps de sortir de l’ombre et de discuter du rôle du médiateur dans la santé mentale et le bien-être.
Les conflits au travail ont une incidence sur la santé mentale
Au cours des années où j’ai travaillé pour un grand prestataire de services de santé mentale, j’ai pu constater de première main les répercussions considérables d’une mauvaise santé mentale et du mal-être sur les employés et les organisations dont ils font partie. La santé mentale « est l’état de votre bien-être psychologique et émotionnel. C’est une ressource nécessaire pour mener une vie saine et un facteur essentiel de la santé globale ».[1]
L’indice de santé mentale d’octobre 2023 de TELUS, un rapport évaluant l’état de santé mentale des adultes employés, recense les principaux facteurs de stress sur le lieu de travail qui ont une incidence sur la santé mentale. Ces facteurs comprennent le volume de travail, les problèmes avec les clients, les exigences de rendement, les heures de travail et les conflits au travail. En particulier, les travailleurs qui considèrent les conflits au travail comme leur principale source de conflit ont subi une perte de productivité significative de 23 %, ce qui équivaut à 55 jours de travail perdus par an.[2] Cette baisse de productivité est supérieure à celle associée à d’autres facteurs de stress au travail. Les organisations font-elles le lien entre les services qu’elles fournissent et l’impact que ceux-ci peuvent avoir sur la santé mentale?
Le médiateur au service de la santé mentale et du bien-être
Rappelons comment notre travail contribue directement à la santé mentale et au bien-être sur le lieu de travail, ce qu’il faut retenir dans notre pratique et comment nous pouvons aider les organisations à faire le lien.
- Autonomisation des employés : L’autodétermination est un principe fondamental de la médiation. Grâce à des conversations facilitées, la médiation responsabilise les employés en les intégrant dans le processus de résolution. Cette responsabilisation peut accroître la confiance, l’estime de soi et le sentiment de contrôle, autant de facteurs essentiels à la santé mentale.
- Réduction du stress et de l’anxiété : La médiation aide à résoudre les conflits en réduisant le stress et l’anxiété associés aux différends sur le lieu de travail. Lorsque les personnes se sentent écoutées et soutenues, leur bien-être mental s’en trouve amélioré.
- Amélioration des compétences en matière de communication et de règlement des différends : La médiation améliore les compétences des personnes en matière de communication et de résolution des conflits, ce qui permet aux employés de gérer plus efficacement les conflits futurs et de réduire le stress prolongé et les effets néfastes sur la santé mentale. Les employés que j’ai aidés remarquent souvent que ces compétences sont également utiles à la maison, ce qui étend leurs avantages au soutien de la santé mentale dans la vie personnelle.
- Amélioration des relations : Un règlement réussi rétablit des relations positives, ce qui contribue à un environnement de travail favorable et au bien-être émotionnel.
Dans le contexte plus large de la santé mentale, le travail d’un médiateur transcende la résolution des conflits : il favorise activement un environnement de travail positif et favorable.
Soutenir la santé mentale dans votre pratique
Le processus classique de médiation sur le lieu de travail et le rôle du médiateur contribuent naturellement à favoriser la santé mentale et le bien-être des personnes. Pour améliorer votre soutien intentionnel pendant la médiation, envisagez d’intégrer quelques pratiques si vous ne le faites pas déjà :
- Demandez aux parties quel est l’impact de la situation sur elles. Les entretiens préalables à la médiation permettent aux parties de faire le point sur leurs pensées et leurs émotions en privé avec le médiateur. Des questions comme « comment vous sentez-vous dans cette situation? », « comment vous affecte-t-elle physiquement? ou « comment la situation affecte-t-elle votre productivité au travail? » favorisent la prise de conscience de soi, essentielle au bien-être émotionnel.
- Adoptez une approche fondée sur les traumatismes dans le cadre du processus de médiation. Cette approche consiste à reconnaître et à comprendre les répercussions possibles des traumatismes sur les personnes et à intégrer cette prise de conscience dans le processus de médiation. Par exemple, vous devez être conscient des déclencheurs courants et vous efforcer activement d’éviter un nouveau bouleversement pendant la médiation. Ajustez votre approche pour tenir compte des différents degrés de confort et de sensibilité.
- Orientez-les vers un prestataire de services d’aide aux employés et aux familles ou vers d’autres professionnels de la santé mentale pour obtenir un soutien supplémentaire. Reconnaissant que la plupart des médiateurs ne sont pas des praticiens de la santé mentale, restez informé sur les professionnels de la santé mentale ou les services de soutien externes dans la collectivité. Envisagez de proposer une orientation après la médiation pour un soutien continu ou envisagez de le faire à l’avance si cette démarche s’avère bénéfique.
Aider les clients de l’organisation à établir un lien
Après avoir exploré le rôle de la médiation dans la santé mentale et les stratégies intentionnelles, aidons les clients à faire le lien entre la santé mentale et le soutien apporté par le médiateur. Tenez compte des éléments suivants lorsque vous vous adressez à des organisations clientes.
- Insistez sur les bénéfices de la médiation en tant qu’investissement dans le bien-être de l’organisation. La médiation, l’accompagnement dans la résolution des conflits et la formation constituent un investissement dans la santé mentale et le bien-être de l’organisation. La mise en valeur des services, des compétences et de la formation en matière de règlement des différends s’inscrit dans l’objectif plus vaste de promouvoir le bien-être des employés et peut faire partie des stratégies et des plans d’action relatifs au bien-être en milieu de travail. Faites savoir que le Centre canadien d’hygiène et de sécurité au travail (CCHST) préconise les pratiques de règlement des différends comme stratégie clé pour favoriser une santé mentale positive chez les employeurs.[3]
- Lien avec la réduction de l’absentéisme. Le règlement des différends par la médiation ou d’autres interventions peut réduire les facteurs de stress sur le lieu de travail et diminuer l’absentéisme. Collaborez avec vos clients pour examiner les données relatives à l’invalidité ou à l’absentéisme, en dégageant des modèles et des tendances pour des interventions ciblées en matière de règlement des différends. Demandez à vos clients quel est le pourcentage de demandes d’invalidité liées à des problèmes de santé mentale ou à des conflits sur le lieu de travail. Un règlement rapide des différends minimise le coût des conflits prolongés.
- Rappel aux clients : les compétences en matière de gestion des conflits ne se limitent pas à la gestion des conflits. Elles sont essentielles dans les interactions quotidiennes pour améliorer la communication, les relations et l’efficacité professionnelle. Des compétences de base comme la sécurisation psychologique, la prise de recul, l’écoute active, l’empathie et l’instauration de la confiance sont fondamentales pour une communication réussie et une bonne santé mentale. L’adoption de ces compétences à l’échelle de l’organisation peut minimiser les conflits improductifs.
Sortons de l’ombre et discutons de notre rôle important dans le soutien de la santé mentale. Que vous soyez médiateur d’un conflit, formateur ou accompagnateur, rappelez-vous du rôle essentiel que vous jouez dans la culture et les politiques de l’organisation en faveur de la santé mentale. Notre impact va bien au-delà du règlement des différends : il porte sur le principal facteur de perte de productivité lié à la santé mentale, à savoir la promotion d’un environnement de travail positif et favorable.
[1] Gouvernement du Canada – https://www.canada.ca/fr/sante-publique/services/sante-mentale.html
[2] Indice de santé mentale TELUS. Canada | Octobre 2023 – https://go.telushealth.com/hubfs/MHI%202023/ISM_Oct_FR_Final.pdf
[3] Indice de santé mentale TELUS. Canada | Octobre 2023 – https://go.telushealth.com/hubfs/MHI%202023/ISM_Oct_FR_Final.pdf
La pratique d’Oliver se concentre sur la médiation, l’accompagnement et la restauration des lieux de travail dans des environnements syndiqués et non syndiqués. Il applique une lentille d’intelligence émotionnelle et de systèmes organisationnels aux conflits sur le lieu de travail, avec une approche fondée sur les traumatismes. Depuis 2003, il travaille en partenariat avec des particuliers et des organisations à l’échelle internationale pour arbitrer des différends et proposer des formations en matière de règlement des différends, de négociation et de leadership. Basé à Toronto, Oliver est instructeur auxiliaire pour le programme de certificat en règlement extrajudiciaire des différends à l’Université York et ancien directeur de l’ADR Institute of Ontario.