Planifier et éviter les litiges dans le domaine de la construction – Deuxième partie: La gestion des changements et des problèmes
Par George Jergeas, PhD., ing.
Dans la deuxième partie de cet article, nous continuons à énumérer des recommandations sur la gestion des différends qui, si elles sont mises en œuvre, devraient réduire la probabilité de différends pendant la phase de construction d’un projet. En particulier, nous abordons les façons de gérer les ordres de modification et les retards qui sont des sources courantes de différends.
Examiner et évaluer les ordres de modification
L’équipe de gestion de projet du propriétaire doit examiner et évaluer en temps opportun tous les ordres de modification soumis par l’entrepreneur. L’évaluation de ces demandes (pour déterminer les droits en vertu du contrat) doit être une priorité. Faute de quoi, ces ordres de modification pourraient entraîner des litiges plus importants.
Gérer les retards et les dommages indirects
Les changements et les retards sont presque inévitables dans les projets de construction, et la plupart des contrats de construction exigent une notification rapide des retards et la présentation de réclamations pour retard peu après l’événement. Cependant, de nombreux propriétaires refusent de traiter les retards et les dommages indirects en temps opportun. Une fois qu’un avis de retard ou de retard potentiel est déposé, l’équipe de gestion de projet du propriétaire doit rencontrer l’entrepreneur pour savoir ce qui se passe afin de déterminer comment diminuer l’impact de ces retards.
Examiner toutes les demandes de prolongation de délai et les analyses d’impact sur les échéanciers
L’« accélération de la construction » est généralement définie comme le fait d’obliger un entrepreneur à terminer son travail à temps malgré des demandes légitimes et documentées de prolongation de délais. De telles réclamations surviennent le plus souvent lorsqu’un entrepreneur dépose une demande de prolongation de délai (excusable ou indemnisable) et que le propriétaire refuse tout ou une partie de la demande (ou l’ignore complètement), en ordonnant à l’entrepreneur de terminer les travaux à la date initiale ou en le menaçant de dommages-intérêts liquidés pour « incapacité à tenir les engagements à temps ». Ces réponses obligent l’entrepreneur à accélérer le travail pour terminer les travaux à temps, ce qui lui fait subir des dommages réels. Les propriétaires doivent s’assurer que leur équipe de projet traite les demandes de prolongation de délai rapidement, objectivement et conformément aux conditions du contrat.
Tenir des réunions régulières sur l’avancement du projet
L’expérience nous apprend qu’en gestion de projet, la communication est essentielle pour un achèvement sans différends en cours. Les conversations régulières en personne fournissent plus d’informations – et des informations plus actuelles – que les communications écrites. Il s’agit de réunions régulières (de préférence hebdomadaires) avec des ordres du jour officiels écrits, auxquelles participent tous les membres concernés de l’équipe de projet, tant du côté du propriétaire que du côté de l’entrepreneur. Parmi ceux-ci, on retrouve les chefs de projet, les planificateurs, les responsables du contrôle de la qualité, de l’assurance qualité, des achats, de la sous-traitance, etc. De telles réunions contribuent à définir l’état d’avancement du projet, à mettre en lumière les problèmes à un stade précoce et à fournir un forum pour poser des questions et faire part de ses préoccupations. Si les gestionnaires principaux des deux équipes visitent ensemble le chantier, d’un côté comme de l’autre, chaque partie comprendra mieux le point de vue de chacun.
Prévoir du temps pendant les réunions d’avancement pour les besoins de l’entrepreneur
Dans le cadre de l’ordre du jour de la réunion régulière, l’entrepreneur doit identifier les besoins spécifiques du propriétaire, du directeur des travaux et/ou de l’équipe de conception. L’entrepreneur peut alors informer le propriétaire de ce qui est important pour l’avancement des travaux (y compris les explications et les informations sur les délais), et peut travailler avec l’équipe de gestion de projet du propriétaire pour classer les mesures nécessaires par ordre de priorité.
Exiger la participation des principaux sous-traitants aux réunions
Tous les sous-traitants « majeurs » doivent assister et participer à toutes les réunions d’avancement du projet et de révision du calendrier. La présence de toutes les parties permet de communiquer pleinement l’état réel du projet, les progrès, les problèmes, etc. Une communication ouverte sur le projet est essentielle pour le mener à bien sans litige à la fin. Donnez à chaque sous-traitant le temps de discuter de ses problèmes et des retards éventuels, afin que l’équipe de gestion de projet du propriétaire soit informée de l’état d’avancement réel du projet. Leurs réponses doivent être soigneusement consignées dans le procès-verbal de la réunion.
Distribuer rapidement le procès-verbal de la réunion à tous les participants
L’équipe de gestion de projet du propriétaire (ou la personne désignée) doit rédiger un procès-verbal précis de la réunion. Ces procès-verbaux servent d’« historique du projet » et établissent les priorités actuelles du projet, les problèmes courants qui doivent être résolus, par qui et quand, les accords conclus entre les équipes du projet, etc. Rédigez et distribuez ces procès-verbaux à tous les participants et aux responsables du projet concernés dans un délai d’environ une journée après la réunion.
Créer des rapports du propriétaire quotidiens
L’équipe de gestion de projet du propriétaire et/ou ses représentants sur le site doivent conserver et maintenir des rapports quotidiens répertoriant
- toutes les activités sur lesquelles travaillent l’entrepreneur et chaque sous-traitant, par corps de métier;
- la main-d’œuvre quotidienne;
- tous les équipements sur le chantier, qu’ils soient utilisés ou non;
- les conditions météorologiques quotidiennes;
- les visiteurs du chantier;
- les activités d’inspection du chantier; et
- les retards en cours ou potentiels, etc.
Ces rapports ne doivent pas comporter d’opinions, mais uniquement des observations et commentaires factuels. Ils doivent être créés quotidiennement et examinés par le gestionnaire de projet pour vérifier leur exactitude et leur exhaustivité.
Surveiller la production de l’entrepreneur
L’équipe de gestion de projet du propriétaire doit régulièrement surveiller ou s’enquérir de la productivité de la main-d’œuvre de l’entrepreneur sur le terrain et la comparer à la production prévue dans le calendrier initial ou dans la révision ou mise à jour du calendrier actuel. L’identification précoce des problèmes permet de les corriger plus facilement avant qu’ils se transforment en litige et aide à atténuer et à se défendre contre les réclamations ultérieures de retard et de réclamations pour dommage indirect.
Préparer et émettre des rapports sur les déficiences
L’équipe de gestion de projet du propriétaire devrait régulièrement préparer des rapports provisoires sur les déficiences pendant que les travaux sont en cours, les remettre à l’entrepreneur et obtenir l’engagement de ce dernier de remédier immédiatement à ces déficiences, et ce, sans attendre la fin des travaux. L’équipe de gestion de projet du propriétaire doit assurer un suivi pour vérifier que les corrections appropriées ont bien été effectuées.
Mettre en œuvre un processus de contrôle des changements clairement réglementé
Le plan de gestion de projet du propriétaire doit établir un plan rigoureux de gestion des changements en adéquation avec les modalités des documents contractuels. Utilisez des formulaires standard et une procédure normalisée pour l’émission des ordres de modification, l’examen des propositions des entrepreneurs, la négociation des changements, etc. Pour éviter les différends, la haute direction du propriétaire devrait déléguer des pouvoirs à l’équipe de gestion de projet.
Établir un mécanisme de paiement rapide des modifications
Les ordres de modification négociés avec succès sont généralement inclus dans la liste des éléments de paiement, ce qui permet aux entrepreneurs de procéder aux travaux visés par l’ordre de modification et de recevoir le paiement. Cependant, il arrive trop souvent que l’on demande aux entrepreneurs de commencer les travaux relatifs aux ordres de modification en fonction du temps et du matériel (« en T&M »). Lorsque cela se produit, l’ordre de modification en T&M n’est pas inclus dans la liste des éléments de paiement parce qu’il n’y a pas d’entente sur le coût des travaux modifiés. Par conséquent, l’entrepreneur ne peut pas demander le paiement d’un ordre de modification lorsqu’il est en cours. Mettez en place un système permettant aux entrepreneurs d’obtenir des paiements partiels pour les ordres de modification en T&M en cours, surtout si la modification est importante ou exigera beaucoup de temps. Un ordre de modification non payé peut entraîner de sérieuses difficultés financières pour l’entrepreneur, ce qui peut avoir une incidence sur sa capacité à terminer les travaux ou entraîner un différend important par la suite.
Réglez toutes les modifications dans un langage complet et définitif
Certains changements seront résolus par des ordres de modification réglés prospectivement, dans lesquels la portée, le délai et le coût du changement sont convenus par l’équipe de gestion de projet du propriétaire et l’entrepreneur avant que les travaux ne soient effectués. Plus fréquemment, cependant, les changements seront réglés de manière rétrospective, les travaux étant achevés avant l’émission de l’ordre de modification. Dans l’un ou l’autre cas, toutes les modifications doivent être réglées au moyen d’une clause de règlement complet et final dans l’ordre de modification.
Informer les entrepreneurs des changements importants le plus tôt possible
Les propriétaires et leurs professionnels de la conception et gestionnaires de la construction envisagent souvent les changements potentiels et en déterminent la portée avant d’aviser l’entrepreneur des ordres de modification possibles. Nous recommandons d’aviser les entrepreneurs le plus tôt possible des changements et des modifications. Dans la mesure du possible, l’équipe de gestion de projet du propriétaire doit faire participer les entrepreneurs à la planification et à l’évaluation des ordres de modification potentiels, afin d’atténuer l’impact sur les activités de construction existantes. Les détails techniques de la modification devraient rester du ressort des professionnels de la conception, mais les entrepreneurs peuvent apporter leur contribution du point de vue de la construction pour aider à atténuer les répercussions de la modification sur le temps et les coûts. Cette approche peut également permettre de résoudre plus rapidement les ordres de modification et faciliter l’accord sur les ordres de modification à prix prévisionnel, évitant ainsi les différends ultérieurs sur le temps, le coût et les impacts.
Réduire au minimum les changements de conception pendant la construction
Si l’équipe de gestion de projet du propriétaire et les professionnels de la conception planifient et conçoivent le projet de manière approfondie, il est rarement nécessaire de modifier la conception pendant la construction. Pour minimiser les changements de conception, l’équipe de gestion de projet du propriétaire devrait idéalement prendre toutes les décisions critiques pendant les phases de planification et de conception du projet. Pendant la phase de construction, l’équipe de gestion de projet du propriétaire devrait résister à l’envie de modifier ses décisions initiales ou d’ordonner des changements pour obtenir des améliorations pendant la construction. Le fait de minimiser les changements de conception réduit considérablement les risques de litiges à la fin d’un projet.
George Jergeas, PhD, ing., professeur émérite et ancien directeur de la gestion de projet, Université de Calgary. George se passionne pour les relations collaboratives, les réclamations et les litiges, ainsi que pour le conseil et la formation en gestion de projet. George a comparu en tant que témoin expert devant la Commission d’enquête concernant le projet de Muskrat Falls. Il participe actuellement à la médiation d’un différend en matière de construction en Alberta.