L’art de la collaboration dans un monde de rapport de forces : Repenser la résolution de conflits
Par Julia Menard, M. Éd., CertConRes, PCC
Cet article examine le rôle en pleine évolution des médiateurs dans un monde de plus en plus régi par un leadership axé sur le pouvoir. Il réfute l’idée erronée selon laquelle l’accommodement serait synonyme de collaboration et souligne l’importance pour les médiateurs d’intégrer la dynamique du pouvoir de manière stratégique tout en restant attachés aux relations interpersonnelles. Une collaboration authentique exige une maîtrise de tous les styles de gestion des conflits et la capacité d’utiliser le pouvoir au service de l’harmonie, de la justice et d’un règlement constructif.
Ces derniers mois ont mis à rude épreuve notre rôle de médiateurs aspirant à la paix. Le monde a pris une direction nettement plus axée sur les rapports de forces. Nous constatons une augmentation du nombre de dirigeants adoptant des tactiques compétitives qui rappellent les négociations de position traditionnelles, et ces stratégies sont présentées comme la méthode privilégiée pour diriger, négocier et interagir.
Paradoxalement, c’est une bonne nouvelle.
Ce style, nous le connaissons bien : c’est le style compétitif. La nouveauté réside dans sa prévalence actuelle. Dans un monde qui tolère de plus en plus la domination et le mépris des voix discordantes, nous sommes invités de toute urgence à repenser notre approche.
À l’heure actuelle, notre travail est plus pertinent que jamais.
Une approche médiative du pouvoir repose sur une dynamique de pouvoir partagé. C’est ce que nous défendons en promouvant les méthodes de règlement extrajudiciaire des différends, une solution de rechange au paradigme dominant du rapport de forces.
Et nous devons incarner cette approche avec résolution.
Que ce soit en médiation, en prémédiation, en accompagnement de gestion de conflit ou lors d’un cercle de parole, le simple fait de choisir d’écouter – d’écouter véritablement – illustre une autre forme de pouvoir. Notre époque nous invite à évoluer : d’une priorisation exclusive des relations vers l’adoption d’une approche de pouvoir partagé. Le pouvoir partagé implique de valoriser à la fois les objectifs et les relations interpersonnelles. Il nous encourage à redéfinir le pouvoir – non pas comme une dynamique de domination ou de soumission, mais comme une influence réciproque et une responsabilité collective.
Techniquement, il s’agit du style de gestion des conflits collaboratif. J’ai toujours trouvé les modèles de styles de conflit de Thomas-Kilmann ou de Kraybill utiles comme cadres de référence pour comprendre nos réactions face aux différends :
- Compétition : Viser la victoire à tout prix, sans égard pour les relations → rapport de forces
- Accommodement : Accorder une grande valeur aux relations, souvent au détriment des objectifs → pouvoir subordonné
- Évitement : Ignorer les problèmes, ce qui conduit à des conflits non résolus → absence de pouvoir
- Compromis : Rechercher des solutions rapides qui n’abordent pas les problèmes de fond → pouvoir partiel
- Collaboration : Unir les forces pour atteindre des objectifs communs → pouvoir partagé
Ce que j’ai constaté au fil des ans en tant que médiatrice, accompagnatrice et formatrice, c’est que la véritable collaboration requiert la maîtrise de tous les styles de gestion des conflits.
Cela implique de faire preuve d’agilité et de souplesse intellectuelle, d’être capable de considérer de multiples perspectives, de comprendre diverses motivations et de répondre avec compétence aux besoins du moment. Ce n’est pas de la faiblesse. Ce n’est pas de la fragilité. C’est la sagesse en action. C’est le pouvoir au service de l’harmonie.
Si nous, en tant que médiateurs et leaders collaboratifs, tentons de contrer le rapport de forces par davantage de rapport de forces, par le blâme ou la domination, notre échec est certain. Nous ne sommes pas conçus pour ce jeu. Comme le célèbre dicton de Gandhi le rappelle : « Œil pour œil ne fait qu’aveugler le monde entier. »
Au lieu de cela, notre rôle est de rester ancrés. Parler au pouvoir avec clarté et neutralité, ce que Krishnamurti décrivait comme : « la capacité d’observer sans juger ». Ce sont des compétences de haut niveau qui sont désormais exigées de nous dans ce monde instable et en perpétuelle mutation.
Ce n’est pas le moment de céder au blâme, qu’il soit dirigé contre nous-mêmes ou contre autrui.
C’est le temps de renforcer :
- Nos compétences.
- Notre empathie.
- Notre conviction dans ce que nous faisons.
Plaidons en faveur du pouvoir partagé. Continuons d’être à l’écoute des différents points de vue. Montrons comment l’harmonie et le pouvoir, conjugués, peuvent être transformateurs.
Comme Martin Luther King Jr. l’a si éloquemment exprimé :
« Le pouvoir sans amour est imprudent et abusif, et l’amour sans pouvoir est sentimental et anémique.
Le pouvoir, à son apogée, est l’amour qui met en œuvre les impératifs de la justice, et la justice, à son apogée, est le pouvoir qui corrige tout ce qui entrave l’amour ».
Que le pouvoir, au service de l’harmonie, soit votre guide et votre outil.
Julia Menard est une médiatrice, pédagogue, auteure, animatrice de balados et coach qui accompagne les leaders dans la gestion courageuse des conflits. Elle est la cofondatrice du On Conflict Leadership Institute, un organisme qui outille les leaders avec les compétences essentielles pour transformer les conversations ardues en collaboration et en changement positif.