La hiérarchie des obligations dans les litiges relatifs aux contrats de construction et de conception
Par Gerald R. (Jerry) Genge, B.Sc.A., LL.M., ing., spécialiste en conception des bâtiments, spécialiste en sciences du bâtiment de l’Ontario, Arb.A., Méd.B.
Les témoignages d’opinion des experts peuvent éclairer les décideurs, mais aussi les dérouter. Les témoins experts doivent tenir compte de la hiérarchie des obligations des parties de manière à ce que leurs opinions reposent sur des bases solides et soient claires aux yeux du décideur. Ils pourraient ainsi éviter le proverbial scénario de la « bataille des experts » qui bloque si souvent le processus de règlement, ralentit la présentation des éléments de preuve et augmente inutilement les coûts des procédures judiciaires.
Toutes les réclamations et demandes reconventionnelles dans le domaine de la construction, de la négligence professionnelle et autres sont fondées sur le fait qu’une partie a été lésée d’une manière ou d’une autre parce que quelqu’un a fait quelque chose qu’il n’était pas censé faire ou n’a pas fait ce qu’il devait faire. La base légale de l’obligation de faire ou de ne pas faire quelque chose est cruciale dans un litige et l’importance d’accorder la priorité aux obligations pertinentes peut être perdue de vue dans un dédale de témoignages d’experts contradictoires si cette question n’est pas gérée de manière appropriée.
Les obligations découlent d’une hiérarchie de priorités. Il serait judicieux de la part des témoins experts qui sont appelés à se prononcer sur le respect par une partie de ses obligations ou de ses devoirs de s’appuyer sur cette hiérarchie pour mener leur analyse, car c’est ce qui leur permet de poser les bases de l’opinion qu’ils souhaitent faire admettre. Le présent article présente un résumé de la hiérarchie des obligations.
Conformité avec les lois applicables
Les lois applicables comprennent, entre autres, la Loi sur le code du bâtiment[i], la Loi sur les ingénieurs[ii] et la Loi sur les architectes[iii]. Ces lois définissent les obligations des personnes liées par un contrat de conception et de construction. Elles établissent le droit applicable, qui figure au premier rang dans la hiérarchie des priorités.
Conformité avec les règlements applicables
Les règlements établis en vertu des lois applicables, comme le Code du bâtiment[iv], a priorité sur tout contrat ou toute spécification et constitue donc une base des plus solides sur laquelle un expert peur fonder son opinion. Les dispositions de la Loi sur les ingénieurs[v] ou de la Loi sur les architectes[vi] relatives aux exigences minimales en matière de pratique professionnelle peuvent également s’appliquer.
Conformité avec les contrats exécutoires par lesquels les parties s’engagent
Les parties ne peuvent pas se soustraire par voie contractuelle aux lois et règlements applicables. Par conséquent, les lois et règlements occupent un rang plus élevé dans la hiérarchie des obligations que les contrats de construction, les ententes de services professionnels et toutes les modifications approuvées de ces ententes conclues entre les parties contractantes.
Conformité aux spécifications écrites mentionnées dans le contrat pour le travail à effectuer
Les spécifications décrivent les matériaux et les méthodes qui seront utilisés pour les travaux. Celles-ci sont normalement présentées sous un format normalisé et reconnues par les parties contractantes. La non-conformité à une spécification qui n’est pas conforme aux exigences de la loi applicable ne constitue pas nécessairement un manquement aux obligations contractuelles.
Conformité avec les dessins et détails sous forme graphique référencés dans le contrat pour le travail à effectuer
Si les spécifications décrivent les matériaux et les méthodes, les dessins, quant à eux, montrent comment tous les éléments s’intègrent pour concourir à réaliser l’intention de la conception. Les dessins qui ne sont pas suffisamment détaillés et qui n’illustrent pas clairement l’intention de la conception peuvent donner lieu à une réclamation. Le contrat établit souvent une priorité pour l’interprétation des dessins et des spécifications. Si ce n’est pas le cas, les spécifications prévalent sur les dessins.
Conformité aux normes consensuelles
Les normes consensuelles[vii] sont souvent préparées par des organismes industriels tels que ULC, ASTM et CSA, entre autres. Elles présentent les pratiques courantes dans l’industrie de la construction. Le niveau hiérarchique des normes référencées dans un règlement applicable est équivalent à celui du règlement en question. Les normes qui ne sont pas référencées dans un règlement peuvent être considérées comme des pratiques minimales courantes, mais pas comme les seules pratiques à suivre.
Conformité aux guides pratiques facilement accessibles publiés par des organismes indépendants
Les guides pratiques, qui décrivent les pratiques courantes de l’industrie, sont souvent rédigés par un groupe du secteur avec ou sans examen indépendant par les pairs. Le niveau hiérarchique d’un guide référencé par un règlement applicable en matière de construction est équivalent à celui du règlement en question. Les guides qui ne sont pas référencés par un règlement ou dans l’une de ses annexes n’ont pas de caractère obligatoire.
Opinion ou choix professionnel
Les opinions des professionnels sont généralement fondées sur leur formation et leur expérience. Les qualifications d’un expert peuvent en faire un témoin de choix. Toutefois, si son opinion repose sur des connaissances très pointues qui dépassent celles d’un praticien ordinaire, sur des techniques avancées de construction ne figurant pas dans le contrat ou sur des notions théoriques qui ne tiennent pas compte des aspects financiers et physiques de la conception et de la construction, l’utilité de l’opinion d’un expert pour le tribunal pourrait s’en trouver amoindrie.
Les témoins experts doivent se demander si une spécification, un contrat, un règlement ou une exigence légale l’emporte sur leur opinion. Les opinions d’experts les mieux étayés permettent de déterminer si les obligations de niveau supérieur dans la hiérarchie des obligations sont respectées ou non.
En conclusion, les professionnels de la PRD seraient bien avisés d’examiner le fondement des preuves présentées pour asseoir les réclamations ou les défenses et d’orienter leurs témoins experts de manière à ce qu’ils tiennent compte de la hiérarchie des priorités. En effet, leurs opinions sur les obligations peuvent être moins importantes pour déterminer la responsabilité que les obligations assumées par la partie qui découlent d’une hiérarchie des priorités.
[i] (en Ontario) Loi sur le code du bâtiment, 1992, L.O. 1992, chapitre 23.
[ii] (en Ontario) Loi sur les ingénieurs, L.R.O. 1990 c. p. 28
[iii] (en Ontario) Loi sur les architectes, L.R.O. 1990, c. A26.
[iv] (en Ontario) Code du bâtiment de l’Ontario 332/12, modifié pour devenir 451/22.
[v] Les fautes professionnelles des ingénieurs sont régies par le Règl. de l’Ont. 941/09 et les normes d’exécution le sont par le Règl. de l’Ont. 260/08.
[vi] Les fautes professionnelles des architectes sont régies par le R.R.O. 1990, Règl. 27.
[vii] Les normes consensuelles sont préparées par des comités d’experts techniques dans un format et selon des règles de préparation normalisés. Les comités sont constitués d’un échantillon de représentants de l’industrie désignés pour prendre des décisions par voie de vote sur le contenu d’une norme. Les projets de normes sont soumis à l’examen et aux commentaires du public.
Gerald R. (Jerry) Genge, B.Sc.A., LL.M., ing., spécialiste en conception des bâtiments, spécialiste en sciences du bâtiment de l’Ontario, Arb.A., Méd.B., est le directeur de Genge Construction Adjudications, est titulaire d’un certificat en Advanced Adjudication for Administrative Agencies, Boards and Tribunals, est un médiateur qualifié et un arbitre agréé de l’IAMC, un médiateur et un arbitre du Tribunal de l’autorité du secteur des condominiums de l’Ontario et un arbitre qualifié de l’ODACC. Il préconise une résolution rapide, économique et peu stressante des litiges par le biais de la médiation et de l’arbitrage.