Recours aux méthodes de prévention et de règlement des différends (PRD) pour la résolution de différends mondiaux en matière de propriété intellectuelle (PI) – Partie 1 – Les ressources offertes aux parties en litige
Par Daisy Williams
Dans le contexte actuel de mondialisation technologique, la propriété intellectuelle (PI) occupe une place prépondérante dans de nombreuses transactions commerciales. L’essor du commerce international s’accompagne d’une augmentation du nombre et de la complexité des différends transfrontaliers en matière de PI. Pour les parties en litige désireuses d’éviter les procédures judiciaires, divers processus internationaux de prévention et de règlement des différends (PRD) constituent des moyens efficaces de résoudre les différends en matière de PI, avec ou sans intervention d’un tiers.
1. Aperçu
Dans le contexte actuel de mondialisation technologique, la propriété intellectuelle (PI) occupe une place prépondérante dans de nombreuses transactions commerciales. L’essor du commerce international s’accompagne d’une augmentation du nombre et de la complexité des différends transfrontaliers en matière de PI. Pour les parties en litige désireuses d’éviter les procédures judiciaires, les processus de prévention et de règlement des différends (PRD) constituent des moyens efficaces de résoudre les litiges en matière de PI, avec ou sans intervention d’un tiers. L’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) est l’entité de référence en matière de PI. Elle influence la politique mondiale dans ce domaine, facilite la coopération transfrontalière en matière de PI[1] et propose des services de protection de la PI[2], notamment le système de dépôt[3] du Traité de coopération en matière de brevets (PCT), le système de Madrid [4]– le système international des marques, et le système de La Haye[5] – le système d’enregistrement international des dessins et modèles. L’OMPI propose également un éventail de processus de PRD par l’intermédiaire de son Centre d’arbitrage et de médiation (AMC)[6] et de son Office de la propriété intellectuelle de Singapour (IPOS)[7], situé dans ses locaux à Singapour. Cet article examinera comment l’AMC et l’IPOS peuvent servir d’alternatives efficaces aux procédures judiciaires pour le règlement des litiges internationaux en matière de PI.
2. Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI
Établi à Genève, en Suisse, depuis 1994, le Centre d’arbitrage et de médiation (AMC) de l’OMPI a été fondé dans le but d’offrir des solutions de rechange au règlement des « litiges commerciaux internationaux entre entités privées »[8]. L’AMC de l’OMPI se présente comme un fournisseur de services de règlement des différends neutre, international et sans but lucratif. Il met à disposition des options de prévention et de règlement des différends (PRD) avantageuses sur le plan des délais et des coûts, telles que la médiation,l’arbitrage, l’arbitrage accéléré et la détermination d’expert. Ces mécanismes permettent aux entités privées de résoudre efficacement leurs litiges nationaux ou transfrontaliers relatifs à la PI et à la technologie, en dehors des tribunaux. L’AMC offre notamment les avantages suivants aux parties en litige :
Les parties aux procédures ADR de l’OMPI peuvent avoir recours à une base de données de plus de 2 000 arbitres, médiateurs et experts indépendants de l’OMPI (intermédiaires neutres) provenant de plus de 90 juridictions. Les membres de la Liste des intermédiaires neutres de l’OMPI est composée d’intermédiaires neutres hautement spécialisés et d’experts ayant des connaissances spécialisées dans les domaines des brevets, des marques, des droits d’auteur, des dessins et modèles, des secrets d’affaires, des données personnelles ou de toute autre forme de propriété intellectuelle faisant l’objet d’un litige, mais aussi de généralistes expérimentés en résolution de différends commerciaux. Leur diversité géographique est adaptée au caractère international de nombreux litiges administrés par le Centre de l’OMPI[9].
Parmi les experts figurent des praticiens possédant des connaissances pointues en technologie, en droit des brevets et de la propriété intellectuelle, ainsi qu’une expertise avérée dans les litiges commerciaux. L’AMC applique le Règlement d’arbitrage[10] de l’OMPI pour désigner un intermédiaire neutre adapté au différend, en tenant compte du mode de PRD, du droit applicable, du ressort territorial des parties, du domaine technologique, de la langue, du lieu de la procédure, du siège de l’arbitrage, etc. La majorité des différends étant portés par des parties internationales, la diversité des intermédiaires neutres de l’OMPI ajoute à l’équité et à la neutralité que l’AMC s’engage à garantir[11].
Au-delà du règlement des différends, l’AMC de l’OMPI apporte également son concours à la rédaction de clauses contractuelles conformes à ses procédures, aide les parties à déterminer si certaines procédures conviennent à leur litige, élabore des procédures de PRD personnalisées pour des situations particulières dans le cadre de transactions commerciales, propose des formations pour les arbitres et les médiateurs ainsi que sur les processus de PRD, et fournit des services d’arbitrage ad hoc en vertu du Règlement d’arbitrage de la CNUDCI[12].
3. Bureau de l’OMPI à Singapour
Un second bureau de l’OMPI a été inauguré à Singapour en 2010, en vertu d’un protocole d’entente (PE)[13] scellant une collaboration entre l’OMPI et l’Office de la propriété intellectuelle de Singapour (IPOS). Ce partenariat s’est révélé particulièrement efficace dans la résolution de litiges de PI complexes sur le plan technologique, notamment ceux portant sur les licences de brevets et de logiciels, la désignation d’inventeur, les droits de propriété ou les procédures de révocation de brevets[14], les problèmes liés aux marques et à l’image de marque, les accords de distribution de produits pharmaceutiques, les ententes de recherche et développement, ainsi que les cas de contrefaçon de brevets. L’IPOS offre la possibilité de soumettre ces différends à l’arbitrage ou à la médiation par l’intermédiaire du Centre d’Arbitrage International de Singapour (SIAC)[15] ou du Centre international de médiation de Singapour (SIMC)[16], lequel opère selon le Règlement de médiation de l’OMPI[17]. Outre l’arbitrage ou la médiation traditionnels, l’IPOS propose également des services de négociation et de détermination d’expert assurés par un ensemble d’experts et d’intermédiaires neutres qualifiés[18].
Un avantage notable de l’IPOS est que les parties en litige peuvent tirer parti de la Convention de Singapour sur la médiation (SCM) et de la Loi sur la Convention de Singapour sur la médiation (SCMA), toutes deux entrées en vigueur en 2020. La SCM et la SCMA habilitent les tribunaux de Singapour à assurer l’exécution des accords de règlement commerciaux internationaux issus d’une médiation auprès du SIMC, offrant ainsi aux parties en litige la possibilité d’obtenir une résolution contraignante de leurs différends[19].
En outre, l’IPOS propose un processus hybride original où les parties en litige ont la possibilité de recourir à la médiation après l’amorce d’une procédure d’arbitrage, et de transformer l’accord de règlement amiable ainsi obtenu en une « sentence arbitrale sur consentement », laquelle est exécutoire à l’échelle internationale en vertu de la Convention de New York[20].
Enfin, la collaboration entre l’OMPI et le gouvernement de Singapour a aussi engendré le Programme de médiation de l’ASEAN (PMA)[21], lequel octroie des fonds et des ressources aux pays de l’Asie du Sud-Est afin d’étudier les modalités d’utilisation des méthodes de PRD pour le règlement de leurs litiges transfrontaliers en matière de PI, constituant ainsi une ressource singulière et profitable.
4. Conclusion
L’OMPI met à disposition diverses options de méthodes de prévention et de règlement des différends, administrées par son Centre d’arbitrage et de médiation (AMC), souvent en partenariat avec l’Office de la propriété intellectuelle de Singapour (IPOS). Cette collaboration a mené à une expertise pointue dans le règlement des différends mondiaux en matière de propriété intellectuelle, offrant aux parties concernées un éventail d’options et d’avantages pour régler leurs différends à l’amiable.
[1] Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), article consulté en ligne : <https://www.wipo.int/portal/fr/index.html>; M. A. Bagley, Patent Law in the Global Perspective (New York : 2014) à la page 430; Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), « Index », consulté en ligne : <https://www.wipo.int/portal/fr/index.html>.
[2] Convention Establishing the World Intellectual Property Organization, 26 avril 1970, part 3.
[3] Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), « Traité de coopération en matière de brevets » (PCT), consulté en ligne : <https://www.wipo.int/pct/fr/index.html>.
[4] Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), « Système de Madrid», consulté en ligne : <https://www.wipo.int/en/web/madrid- system>.
[5] Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), « Système de La Haye », consulté en ligne : <https://www.wipo.int/fr/web/hague-system/>.
[6] Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), « Centre d’arbitrage et de médiation », consulté en ligne : <https://www.wipo.int/amc/fr/index.html/>.
[7] Bureau de l’OMPI à Singapour, consulté en ligne : https://www.wipo.int/about-wipo/fr/activities_by_unit/index.jsp?id=130.
[9] Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), Les intermédiaires neutres de l’OMPI, consulté en ligne : https://www.wipo.int/amc/fr/neutrals/index.html
[10] Règlement d’arbitrage de l’OMPI, consulté en ligne : https://www.wipo.int/amc/fr/arbitration/rules/index.html
[11] Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI), Les intermédiaires neutres de l’OMPI, consulté en ligne :https://www.wipo.int/amc/fr/neutrals/index.html
[12] UNCITRAL, Loi type de la CNUDCI sur l’arbitrage commercial international, consulté en ligne : https://uncitral.un.org/sites/uncitral.un.org/files/media-documents/uncitral/fr/07-86999_ebook.pdf
[13] Signé le 28 septembre 2011.
[14] Intellectual Property Office of Singapore (IPOS), « Resolving Disputes », consulté en ligne : <https://www.ipos.gov.sg/Services/HearingsandMediation/ResolvingDisputes.aspx>.
[15] Centre d’Arbitrage International de Singapour (SIAC), consulté en ligne : <https://en.wikipedia.org/wiki/Singapore_International_Arbitration_Centre>
[16] Centre d’Arbitrage International de Singapour (SIAC), consulté en ligne : <https://simc.com.sg/>.
[17] Règlement de Médiation de l’OMPI, consulté en ligne https://www.wipo.int/amc/fr/mediation/rules/index.html
[18]Résolution des différends en matière de PI à l’IPOS, consulté en ligne: <https://www.ipos.gov.sg/manage-ip/resolveip-disputes-overview/resolveip-disputes/>.
[19] Pôle de résolution des différends en matière de PI à l’ IPOS, consulté en ligne : https://www.ipos.gov.sg/global-ip-hub/ip-dispute-resolution-hub/>.
[20]Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (New York, 10 juin 1958),
document consulté en ligne : https://www.newyorkconvention.org/french
[21] WIPO-ASEAN Mediation Programme (AMP+), consulté en ligne : <https://www.ipos.gov.sg/global-ip-hub/ip-dispute-resolution-resources/wipo-asean-mediation-programme>.
Dre Daisy Williams est avocate spécialisée en propriété intellectuelle (PI) et membre du Barreau de l’Ontario (LSO). Elle est également agente de brevets et de marques de commerce agréée auprès du Collège des agents de brevets et des agents de marques de commerce (CABAMC).
Dre Williams est titulaire d’un doctorat en physique (optique-photonique) et possède plus d’une décennie d’expérience au sein de diverses entreprises technologiques, dont des jeunes entreprises de haute technologie, des petites et moyennes entreprises (PME) et des grandes multinationales. Forte de son expertise juridique et de sa solide formation technique, Daisy suit de près l’évolution du domaine de la propriété intellectuelle et la jurisprudence récente afin de demeurer à l’avant-garde des développements juridiques.