Utilisation de la MSR en médiation en milieu de travail
Par Paul Godin, B.A. B.Sc. LL.B. C.Med
L’utilisation de la meilleure solution de rechange (MSR) des parties peut être extrêmement utile dans plusieurs contextes de médiation, mais plus particulièrement en médiation en milieu de travail. Elle aide non seulement à assouplir les négociations, mais surtout, elle permet aux parties de faire de meilleurs choix rationnels et éclairés quand il s’agit d’aborder le processus de médiation même et de prendre des décisions définitives. Ne pas discuter de la MSR dans ce contexte pourrait nuire irrémédiablement aux relations en milieu de travail, et même à la table de médiation, si les parties disent ou font des choses préjudiciables.
Un des outils les plus efficaces pour créer de la souplesse chez les parties lors de médiations en milieu de travail est l’utilisation stratégique de la MSR. La MSR dans une négociation est la meilleure mesure qu’une partie peut prendre unilatéralement (sans le consentement ni la coopération de l’autre partie) si la négociation n’aboutit pas à une résolution. En d’autres termes, la MSR est le « plan B » d’une partie.
Dans certains cas de médiation, les parties campent sur leurs positions et paralysent le processus, rendant ainsi toute résolution mutuellement satisfaisante difficile à atteindre. Les parties deviennent intransigeantes pour un éventail de raisons. Par exemple, elles croient qu’elles ont raison; elles n’aiment peut-être pas la réponse présentée à la table de médiation; ou elles ont peut-être des attentes très précises (qu’elles soient raisonnables ou non); un principe important pourrait être en jeu; la crainte de paraître faibles ou de subir une humiliation pourrait prendre le dessus; ou elles souhaitent tout simplement que l’autre partie plie.
Deux dynamiques peuvent rendre les médiations en milieu de travail difficiles à résoudre. La première, dans les milieux syndiqués, concerne les employés qui pourraient penser qu’ils n’ont rien à perdre, car ils ne subiront aucune perte financière personnelle si une procédure d’arbitrage est engagée. Les employés pourraient ainsi penser qu’ils n’ont rien à perdre s’ils refusent toute proposition afin de tenter leur chance en attendant la sentence de l’arbitre. Normalement, c’est le syndicat qui assume les frais liés au processus d’arbitrage. Par conséquent, si la proposition à la table de médiation semble pire que la sentence qu’une ou un arbitre pourrait rendre, les employés pourraient refuser cette proposition et se retirer de la table.
La deuxième, du côté de la direction, concerne les gestionnaires qui pourraient penser qu’ils peuvent simplement imposer leur réponse en raison de leur pouvoir et de leur titre. Ils ne s’inquiètent peut-être pas du risque que poserait l’arbitrage, car, à la fin du processus, ils reprendront le contrôle de leur service.
Étant donné toutes ces difficultés, une analyse efficace de la MSR par le médiateur avec chaque partie peut créer une nouvelle souplesse chez les parties et les motiver à chercher une résolution rationnelle.
Pourquoi discuter de la MSR
Il existe plusieurs raisons pour lesquelles il faut engager une discussion efficace sur la MSR respective des parties dans les médiations en milieu de travail de la façon appropriée.
Une d’entre elles est que souvent les parties ont une position inflexible parce qu’elles n’ont pas bien réfléchi aux conséquences de leur refus à une entente. Certaines n’ont absolument pas songé à leur plan B, et d’autres y ont pensé de façon superficielle, sans considérer les répercussions de leur refus.
Si une partie reconnaît que son plan B n’est pas une si bonne idée finalement, elle pourrait faire preuve de davantage de souplesse sur les questions en jeu. C’est-à-dire qu’elle sera ouverte à trouver un terrain d’entente si cette option est avantageuse.
Une autre raison est que si la partie X reconnaît qu’elle pourrait avoir besoin de la partie Y, elle sera encline à négocier avec la partie Y dans un climat respectueux. En effet, la plupart des gens ne dénigrent pas une autre personne dont ils pourraient avoir besoin. Une attitude notablement positive et une communication accrue entre les parties peuvent augmenter radicalement les chances d’arriver à une résolution. Ces facteurs aident également à maintenir de bonnes relations en milieu de travail et à éviter les préjudices inutiles causés par des commentaires ou des actions accusatoires.
Quand discuter de la MSR
Il existe deux principaux moments pendant lesquels il est logique de discuter de la MSR avec les parties lors d’une médiation en milieu de travail.
Je recommande fortement d’avoir une séance de discussion avec chaque partie, séparément, avant de les rencontrer lors d’une séance conjointe. Idéalement, chaque discussion d’au moins une journée avant la séance conjointe donnera le temps aux parties de bien comprendre les ramifications de cette discussion. L’expérience a montré que tenir la discussion juste avant une séance conjointe n’a pas souvent changé l’approche d’une partie, et ce, en raison d’une trop grande indifférence émotionnelle.
Si chaque partie savait, avant la séance conjointe, dans quelle mesure elle avait besoin de l’autre partie, elle modifierait leur approche selon cette information. Généralement, les parties sont plus respectueuses, souples et ne brûlent pas les étapes. Si elles comprennent les risques qu’elles courent en nuisant à la relation avec l’autre partie, elles seront moins enclines à tenir des propos incendiaires. Par exemple, une fois qu’une ou un employé traite son employeur d’« incompétent », la relation entre les deux est brisée à jamais. Si on évite cette situation, en encourageant les gens à penser relativement tôt aux conséquences de leurs actes, un avenir est envisageable.
L’autre moment pour discuter de la MSR est lorsqu’une ou les deux parties campent sur ses positions et refuse de céder. Si chaque partie se rend compte que son retrait de la table de médiation lui fait poursuivre une ligne d’action (plan B) désagréable, elle reprendra place à la table de médiation en adoptant une attitude plus souple.
Comment discuter de la MSR
En général, la discussion de la MSR doit uniquement s’effectuer isolément avec chaque partie afin qu’elle soit complète, franche, sans qu’une partie aie peur d’apporter de l’eau au moulin de l’autre partie.
Dans mon expérience, une approche axée sur la facilitation donne le plus de résultats lors des discussions de la MSR. En effet, en posant de bonnes questions ouvertes, un médiateur peut aider les parties à évaluer rationnellement leur plan B, et leur faire prendre conscience des répercussions de ce choix.
En tant que médiateurs, nous pouvons leur demander quelles sont leurs autres options. C’est-à-dire, « Que pouvez-vous faire concrètement si vous ne parvenez pas à une entente? » Plus que cela, nous pouvons leur poser des questions pour mettre leurs options à l’épreuve de la réalité afin qu’elles prennent conscience de leur choix. La plupart des gens n’ont pas considéré toutes les conséquences du refus.
Les employés, par exemple, pourraient se dire qu’ils n’auraient rien à perdre s’ils prennent le chemin de l’arbitrage. Dans un tel cas, voici des questions pour soumettre l’option des employés à l’épreuve de la réalité :
- Si le résultat de l’arbitrage est en votre faveur, qu’en sera-t-il de votre relation avec votre gestionnaire une fois que vous serez de retour au travail? Sera-t-elle positive?
- Quelle est l’importance de votre relation avec votre gestionnaire? Peuvent-ils influencer d’autres personnes?
- Si votre employeur est mécontent en raison de la façon dont vous avez géré le conflit, ce mécontentement peut-il avoir une incidence négative sur votre carrière? Vous offrira-t-il désormais des possibilités de la même façon qu’il le faisait avant l’arbitrage?
- Qu’arrivera-t-il si l’arbitre ne tranche pas en votre faveur? Quelle en est la probabilité? Quelles sont les conséquences sur votre réputation et les possibilités de carrière au sein de l’organisation qui vous emploie?
Quant aux gestionnaires, ils pourraient penser qu’ils peuvent imposer leur pouvoir décisionnel, sans en craindre les conséquences. Voici de bonnes questions pour soumettre l’option des gestionnaires à l’épreuve de la réalité :
- Avez-vous besoin de l’employée ou de l’employé en question? De ses compétences? De son expérience? Auriez-vous besoin de sa collaboration volontaire dans le cadre de projets à venir?
- Pourriez-vous la ou le perdre comme membre de l’équipe si vous ne résolvez pas le conflit?
- Même si l’issue de l’arbitrage est en votre faveur ou que vous imposez la réponse que vous désirez, l’employée ou l’employée ou ses collègues pourraient la rejeter? De quoi pourrait avoir l’air la situation?
- À quoi ressemblera le moral de votre équipe si vous ne résolvez pas le différend d’une façon mutuellement agréable? Quelles seraient les répercussions pour vous?
- Que penseraient vos employeurs si votre équipe est dans la tourmente?
Si les parties décident quand même de ne pas trouver une entente, elles prendront cette décision tout en comprenant les répercussions réalistes qui en découlent, et feront un choix éclairé plutôt que de prendre une décision aveuglément ou de façon ignorante.
Les bons médiateurs en milieu de travail élaborent une MSR de façon appropriée au fil de la conversation afin que les parties prennent des choix rationnels entre a) la meilleure ligne de conduite à adopter entre elles à la table de médiation, et b) la meilleure ligne de conduite à adopter unilatéralement si elle se retire de la table de médiation. Étant donné les conséquences négatives liées à la non-résolution d’un différend, beaucoup de parties se rendent compte que fournir des efforts sincères pour parvenir à une entente vaut la peine.
Utilisez la MSR pour créer de la flexibilité et encourager les parties à explorer les options avantageuses pour chacune d’elle, lorsque c’est possible.
Paul Godin est le fondateur de Katalyst Resolutions basé à Victoria. Il est un médiateur d’expérience, un avocat, un accompagnateur en résolution de conflits et un enquêteur qui a accumulé 20 ans d’expérience globale en formation de professionnels en négociation, à la résolution de conflits et à l’accompagnement.