La Loi sur les normes du travail : Mieux s’outiller pour négocier le meilleur règlement possible
Chaque année, des milliers de salariés au Québec déposent des plaintes à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (la « CNESST ») pour faire la lumière sur des litiges survenus avec leur employeur ou leurs collègues de travail. Le présent article vise à outiller les employeurs sur les moyens mis à leur disposition afin de faciliter le règlement de ces dossiers, en plus de partager certains conseils pratiques qui augmenteront leurs chances de sortir gagnant d’une médiation ou d’une conciliation en droit de l’emploi.
Jusqu’à tout récemment, les parties à un litige en contexte non syndiqué n’avaient aucune obligation de divulguer leur preuve avant le premier jour d’audience devant le Tribunal administratif du travail (le « TAT »), sous réserve d’une entente entre les parties prévoyant une telle divulgation ou d’une ordonnance du juge administratif lors d’une conférence préparatoire, le cas échéant. Cela avait pour effet qu’un plaignant pouvait ne pas préciser les faits au soutien de sa plainte, ni les témoins qui seraient entendus à l’audience, ni même les documents qui seraient déposés en preuve.
En ce sens, les surprises pour les employeurs étaient chose commune lors du premier jour d’audience devant le TAT, si bien qu’une fois les allégations de chaque partie précisées, et la force (ou la faiblesse) de la preuve de la partie adverse analysée, de multiples dossiers se réglaient sur-le-champ, bien que des frais importants aient déjà été encourus pour la préparation de cette audience.
Fort de cette réalité commune à plusieurs domaines, le nouveau Code de procédure civile du Québec a ainsi été adopté en 2016, en insistant sur la résolution de différends à l’amiable et la meilleure utilisation des ressources.
Dans cette même lignée, de nouvelles règles de preuve et de procédure ont été adoptées au TAT (1) et sont entrées en vigueur en 2017, dans le but inavoué, croyons-nous, de réduire le nombre de jours d’audience et faciliter les règlements. Les principales règles pertinentes sont les suivantes :
- Toute affaire doit être introduite par un acte introductif écrit, lequel doit être accompagné d’un sommaire des faits et des conclusions recherchées ;
- Le TAT peut exiger d’une partie qu’elle précise ses prétentions par écrit ou qu’elle dépose tout document ou élément de preuve dans le délai qu’il détermine avant l’audience ;
- Le TAT peut également exiger la liste des témoins qu’une partie veut faire entendre, ainsi qu’un exposé sommaire de leur témoignage.
Ces nouvelles règles permettent aux parties de mieux se préparer afin de réduire les effets de surprise lors de l’audience et amènent les parties à évaluer les forces et faiblesses de leur dossier, en plus d’en venir rapidement à un règlement définitif de leur litige, avant même qu’une journée d’audience ne soit amorcée.
Conseils pratiques
En gardant en tête l’encadrement mentionné ci-avant, voici quelques conseils pratiques sommaires pour favoriser un règlement gagnant à la suite du dépôt d’une plainte:
Profitez de la médiation à la CNESST et de la conciliation au TAT
Le processus de plainte comporte deux étapes facultatives avant que le dossier soit fixé pour audience devant le TAT. D’abord, une médiation est proposée par la CNESST au cours de laquelle l’employeur et le salarié sont convoqués afin de tenter de résoudre le différend en présence d’un médiateur. Cette étape n’est pas obligatoire; encore faut-il que chacune des parties y consente. Le médiateur guidera les parties et identifiera les avantages de procéder à un règlement à l’amiable et les risques de déférer la ou les plaintes, selon le cas, au TAT. Par contre, il arrive parfois que la médiation ait lieu de façon prématurée en ce que le salarié n’est pas encore disposé à conclure une entente.
Ensuite, advenant que les parties ne concluent pas de règlement en médiation, la plainte sera alors déférée au TAT. À ce moment, le salarié plaignant sera (généralement) représenté par un avocat de la CNESST, et ce, gratuitement, dans le but de le conseiller et assurer sa représentation à l’audience. Avant l’audience, les parties peuvent de nouveau se rencontrer pour tenter un règlement à l’amiable dans le cadre d’une conciliation. À cette étape, toujours facultative, le salarié sera accompagné de son avocat de la CNESST.
À tout événement, la médiation et la conciliation sont, à notre avis, cruciales, car elles permettront généralement à l’employeur de mieux comprendre les arguments et les allégations de la partie adverse et faciliteront ainsi l’élaboration de sa théorie de la cause.
Reconnaissez la valeur d’un dossier sensible
Il faudra parfois être prêt à débourser davantage, en temps et en honoraires, afin d’éviter la médiatisation de certains dossiers sensibles et ainsi éviter que certaines allégations ne nuisent à la réputation de l’entreprise ou de certains individus, par exemple dans le cas de plaintes alléguant du harcèlement au travail.
Bien sûr, en cas de règlement satisfaisant du dossier pour toutes les parties et donc d’absence de jugement public rendu sur la question, cela ne diminuera en rien l’obligation, pour l’employeur, de prendre toutes les mesures appropriées afin de faire cesser le harcèlement psychologique à l’interne, le cas échéant.
Soyez créatifs dans le règlement de vos différends
Parfois, les salariés ont besoin de reconnaissance non monétaire et vous sembleront fermés à toute offre de règlement. La contrepartie financière est loin d’être la solution unique. Dans le processus de négociation, gardez en tête que chaque individu est différent et tentez d’identifier quelles sont les motivations du plaignant. Par exemple, dans le cas d’une plainte contestant un congédiement, le fait de suggérer de retirer la lettre de congédiement du dossier du salarié, ou de présenter une lettre de recommandation, permettra parfois de clore définitivement le dossier sans qu’aucune somme importante ne soit versée.
(1) Règles de preuve et de procédure du Tribunal administratif du travail, adoptées en vertu de la Loi instituant le Tribunal administratif du travail, RLRQ c. T-15.1, art. 105.
Justine Laurier, associée, et Audrey Belhumeur, avocate, toutes deux pratiquant en droit du travail et de l’emploi chez Borden Ladner Gervais s.e.n.c.r.l. Me Laurier est également co-présidente de l’Association du Barreau canadien – Division du Québec, section Droit du travail et de l’emploi.