La médiation organisationnelle (sociale et collective), du règlement amiable de conflit à la régulation des relations sociales en entreprise ?
Par Céline Carrier
La médiation est fondamentalement un processus de communication basé sur trois éléments essentiels : l’accord sur le(s) désaccord(s), la pratique de la communication non violente et la gestion des émotions. Son processus est totalement adaptable à l’organisation, de façon collective. Les enjeux qu’elle traite sont la prévention de risques psychosociaux, le climat social, la qualité de vie au travail, le sens commun de l’entreprise, le projet organisationnel, la personnalisation de la négociation collective et la qualité du dialogue social. La reconnaissance réciproque, essentielle dans la régulation des relations sociales, est l’issue d’un travail collectif sur les intérêts communs.
La médiation est un mode de règlement amiable des conflits reconnu. La plasticité de son processus en fait aussi un outil de régulation sociale, ne relevant plus exclusivement du management de proximité et pas encore de la négociation collective.
Son processus est totalement adaptable à l’organisation, de façon collective : direction, manageur, Direction des Ressources Humaines, représentants des salariés, syndicalistes ou non et salariés. Les enjeux qu’elle traite sont la prévention de risques psychosociaux, le climat social, la qualité de vie au travail, le sens commun de l’entreprise, le projet organisationnel, la personnalisation de la négociation collective et la qualité du dialogue social.
L’enjeu détermine le contenu du mandat du médiateur à rédiger, après consultation du Comité Social et Economique (ou de l’instance mixte des salariés élus et de la direction) de l’entreprise. J’interviens comme tiers extérieur mais un médiateur juriste peut intégrer le service des relations sociales de l’entreprise ou accompagner en interne le management et les Ressources Humaines.
La médiation est fondamentalement un processus de communication basé sur trois éléments essentiels : l’accord sur le(s) désaccord(s), la pratique de la communication non violente et la gestion des émotions. Une compétence juridique est nécessaire pour sécuriser les relations sociales. Le cadre de la médiation comprend une étape d’entretiens individuels puis quatre étapes en réunion plénière : l’exposé des faits, les besoins ou les intérêts, les propositions de solutions, l’accord.
Le cœur de l’accord sur le(s) désaccord(s) est de prendre pour les trois premières étapes en plénière le soin de différencier avec une retranscription impartiale ce qui est propre à chacune des parties de ce qui est commun : l’expression, l’écoute active et la retranscription du commun permettent une reconnaissance réciproque.
En médiation organisationnelle, la reconnaissance réciproque porte en premier lieu sur l’événement de blocage. J’invite chaque personne autour de la table à nommer les situations de blocage puis à en prioriser, avec des supports écrits et visuels. Puis je regroupe les priorités afin de mettre en évidence celles qui sont communes. J’explicite à voix haute en même temps le visuel de cette mise en évidence du commun pour inviter les médiés à échanger dessus. La reconnaissance des priorités communes fluidifie la communication. Ce sera la même technique de reconnaissance réciproque en phase de partage sur les ressources, les risques et les contraintes et de co-construction de sens commun et des objectifs réalisables.
La médiation sociale et collective en entreprise vise à créer un espace de temps et de lieu de liberté d’expression de paroles sécurisé par la confidentialité. Le médiateur garantit le partage et l’impartialité des retours retranscrits. Il n’est pas un consultant qui amènerait ses solutions. Le travail en plénière va permettre aux participants de s’engager dans une co-construction collective et participative. Deux exemples :
En 2020/21, j’effectue une médiation au sein d’un groupe pluri-associatif de 40 salariés, sur saisine de la direction générale :
- État des lieux partagé sur le climat social : identification et analyse des problématiques avec les salariés et élaboration collective des questionnaires sur la Qualité de Vie au Travail soumis à l’ensemble des salariés
- Co-construction collective et participative en plénière sur le sens commun de l’organisation et la Qualité de Vie au Travail (direction, Direction des Ressources Humaines, Comité Social et Economique, représentants du personnel, représentants des professions, psychologue) : préparation et animation
En 2019, sur saisine du service Direction Ressources Humaines, j’ai effectué une médiation au sein d’un service de management indépendant d’une petite/moyenne entreprise, entre un manageur, une collaboratrice, et un technicien :
- Entretiens individuels avec travail sur les difficultés relationnelles et les besoins de chacun
- Préparation et animation de réunion plénière avec les autres services concernés de l’entreprise sans la direction
- Accord de médiation sur la répartition des tâches et création de deux services de management
Praticable à plusieurs échelles, la médiation permet de prévenir et dénouer des situations de blocage. Les limites de l’exercice tiennent cependant au temps plus long qu’une médiation interpersonnelle, face au turn-over des salariés ou des cadres participants à la médiation lié à la vie d’entreprise. Il y a aussi un décalage entre le contenu de la médiation au moment et la vie au travail au sein de l’organisation qui se poursuit, plus ou moins bien vécu par les acteurs sociaux. L’impact de la médiation sur les acteurs fera l’objet d’une étude à venir.
Céline Carrier, de formation et expérience initiales juridiques, est médiateur praticien depuis six années. Elle se spécialise en médiation sociale, interpersonnelle et collective, en prévention et régulation des relations sociales en organisation et entreprise, en France et dans les pays francophones.