Pallier les retards dans les litiges commerciaux
Il existe des retards considérables, sans doute inacceptables, dans le traitement et la résolution de différends dans les tribunaux canadiens. Les entreprises ne devraient pas avoir à attendre aussi longtemps qu’elles le font à l’heure actuelle pour obtenir le règlement de leurs différends. Ce n’est pas nécessaire. De tribunaux d’arbitrage très compétents et accessibles sont mis à leur disposition. Les tribunaux judiciaires doivent offrir un mécanisme efficace pour encourager et aider les parties à envisager sérieusement le recours à l’arbitrage. Sans une telle incitation proactive et réfléchie de juges, les différends s’éternisent. Grâce à l’arbitrage encadré par le tribunal, celui-ci peut amener les parties à envisager l’arbitrage et, si elles sont d’accord, les aider à mettre en œuvre le changement.
Le rôle commercial de Toronto, qui éprouve moins de retards dans le traitement de litiges commerciaux que de nombreux autres tribunaux au Canada, déclare (dans A Year in Review, juillet 2022) que l’attente d’une date de procès se situe à un an, à partir de la date d’octroi d’une date (à noter qu’il ne s’agit pas du début de l’affaire). Contrairement à l’arbitrage, la norme ne consiste pas à établir une date d’audition sur le fond au début d’une affaire portée devant le rôle commercial.
De plus, selon cette déclaration, bien que les urgences soient traitées en temps opportun, l’attente en cas de requête ou demande longue se situe à 16 à 20 semaines, et à 8 à 12 semaines pour les requêtes régulières et les demandes courtes.
Ces délais répondent-ils aux besoins en matière de résolution de conflits des entreprises canadiennes, en 2022?
Si l’arbitrage peut assurer le règlement de conflits en moins de temps, qu’il s’agisse de l’ensemble ou de certains éléments d’un différend (requêtes), ce qui est possible, pourquoi les entreprises impliquées dans un différend sont-elles coincées dans des tribunaux judiciaires qui ne les dirigent pas plus souvent vers des tribunaux d’arbitrage?
Aujourd’hui, plus que jamais, les tribunaux canadiens devraient encourager et aider les parties de litiges commerciaux à recourir à l’arbitrage en cas d’affaires qui s’y prêtent, ou de certains éléments de telles affaires.
Même avant la pandémie, il existait des retards considérables, sans doute inacceptables, dans le traitement et la résolution de différends dans les tribunaux judiciaires.
Les entreprises ne devraient pas avoir à attendre aussi longtemps qu’elles le font à l’heure actuelle pour obtenir le règlement de leurs différends.
Ce n’est pas nécessaire. De tribunaux d’arbitrage très compétents et accessibles sont mis à leur disposition.
L’arbitrage commercial continue de prendre de l’ampleur partout au Canada. Les avocats plaidants sont de plus en plus familiers et se sentent plus à l’aise avec cette option.
Et pourtant, même quand les parties d’un litige et leur avocat constatent les longs délais au tribunal, non seulement pour en arriver au procès, mais aussi pour la détermination des requêtes de procédure – et compte tenu des coûts importants qu’engendrent ces attentes sur le plan pécuniaire, entre autres –, ils ne semblent envisager que rarement le recours à un tribunal d’arbitrage.
Le problème découle-t-il des défendeurs?
Est-ce à cause des défendeurs que les différends ne sont pas dirigés vers des tribunaux d’arbitrage?
En règle générale, je ne crois pas que ce soit le cas.
De toute évidence, dans le cadre de certains différends, le défendeur croit fermement que « la justice différée correspond à la justice ». Le retardement du processus visant le procès est perçu comme présentant des avantages, d’habitude tout simplement parce qu’il permet de reporter le jour du jugement (qu’il s’agisse d’un jugement à proprement parler ou d’un règlement à l’amiable).
Cependant, tous les défendeurs ne le voient pas ainsi.
Certains défendeurs – et plaignants – se rendent bien compte que chaque fois que leur avocat doit reprendre le dossier pour « s’y remettre », les frais juridiques augmentent.
D’autres défendeurs – et la plupart des plaignants – préféreraient éviter que l’affaire pèse sur eux et représente une distraction dans leurs activités commerciales et leur vie personnelle, en plus de constituer une source d’inquiétude constante qui ne les lâche plus.
Surtout, nombre de défendeurs croient à la solidité de leur défense.
Donc, pourquoi renoncer au procès et à la possibilité d’obtenir un résultat favorable, ce qui permettrait sans doute de récupérer au moins partiellement les frais juridiques auprès de l’autre partie?
Une dévaluation réactive?
Il est courant, dans le cadre d’un différend, que si l’une des parties propose quelque chose, par exemple une discussion sur un règlement, la médiation, un accord de procédure ou la transmission de certains éléments ou de l’ensemble du différend à un tribunal d’arbitrage, l’autre partie pense immédiatement que la partie ayant proposé cette option doit « avoir un tour dans son sac » pour obtenir un avantage.
D’où l’intérêt de l’arbitrage encadré par le tribunal
Le défi crucial consiste à convaincre les parties à envisager le recours à un tribunal d’arbitrage pour régler l’ensemble ou certains éléments de leur différend.
Les tribunaux judiciaires doivent offrir un mécanisme efficace pour encourager et aider les parties à envisager sérieusement le recours à l’arbitrage.
Sans une telle incitation proactive et réfléchie de juges, les différends s’éternisent parce qu’une des parties s’inquiète que le passage à l’arbitrage proposé serve à obtenir un avantage tactique ou un autre type d’avantage.
Bien souvent, les parties impliquées dans un litige tireraient parti d’un encouragement et d’une aide indépendants pour envisager le recours à l’arbitrage dans le cadre de leur différend. Grâce à l’arbitrage encadré par le tribunal, celui-ci peut amener les parties à envisager l’arbitrage et, si elles sont d’accord sur le passage à l’arbitrage, les aider à mettre en œuvre la transition.
Comment l’arbitrage encadré par le tribunal fonctionne
Bien que la décision de recourir à l’arbitrage doive demeurer entièrement volontaire, le processus visant à inciter les parties à envisager l’arbitrage n’a pas besoin de l’être.
L’arbitrage encadré par le tribunal ne viole ni l’autonomie des parties, qui constitue l’une des principales caractéristiques de l’arbitrage, ni aucun des aspects fondamentaux de l’arbitrage. L’arbitrage n’a lieu que si les deux parties l’acceptent.
Les tribunaux peuvent toutefois déterminer les affaires potentiellement propices et inviter les parties et leurs avocats à une conférence préparatoire pour envisager la transmission du différend, ou de certains de ses éléments, à un tribunal d’arbitrage. La conférence préparatoire devra être menée par un juge d’expérience qui comprend bien l’arbitrage, possède de solides compétences en encadrement et s’engage à accomplir des tâches d’arbitrage encadré par le tribunal.
Quand les parties se montrent réceptives après les discussions initiales, le juge aide l’avocat à élaborer un protocole pour la transmission, à choisir le tribunal d’arbitrage, à mettre en œuvre l’arbitrage et à régler d’autres questions connexes.
Si les parties tiennent à certains – ou à toutes – les caractéristiques du procès, ces aspects peuvent être préservés lors de l’arbitrage.
Essayons-le!
Les tribunaux canadiens devraient commencer tout de suite à mettre en place des procédures d’arbitrage encadré par le tribunal, au moins sous forme de projets pilotes.
Les frais découleraient principalement d’un certain temps consacré au processus judiciaire, dans le cas d’affaires qui exigeraient normalement une longue attente avant le procès et occuperaient le tribunal et d’autres ressources pendant plusieurs jours, voire des semaines.
Pour réussir, l’arbitrage encadré par le tribunal nécessitera une sensibilisation et un engagement sur le plan judiciaire. La clé du succès résidera dans la participation judiciaire proactive pour inciter les parties d’un litige à transmettre leur différend à un tribunal d’arbitrage.
De plus, l’arbitrage encadré par le tribunal obligera les avocats plaidants à envisager sérieusement les avantages dont leurs clients pourraient tirer parti et à expliquer ces avantages à leurs clients.
Essayons-le!
L’honorable Barry Leon FCIArb, est arbitre et médiateur indépendant à Arbitration Place, 33, Bedford Row Chambers (London), et à Caribbean Arbitrators. Il a exercé les fonctions de juge président du tribunal de commerce des îles Vierges britanniques (de 2015 à 2018) et a présidé de Comité d’arbitrage d’ICC Canada. Il est médiateur agréé par l’International Mediation Institute (IMI) et membre de l’International Academy of Trial Lawyers.