Quelles sont les limites de la confidentialité?
Par Karen McPeak
Contrairement à un processus judiciaire public, opter un arbitrage pour résoudre un différend peut offrir une certaine confidentialité aux parties. Toutefois, cette confidentialité est souvent limitée par des obligations de divulgation, telles que des exigences imposées par la loi ou par les parties ayant un intérêt financier direct dans le processus d’arbitrage. Le présent article porte sur les problèmes de confidentialité dans le cadre d’un arbitrage qui touche des entités publiques et des bailleurs de fonds de litiges. Il offre des conseils sur la manière de gérer ces problèmes et les attentes des parties.
La confidentialité est un avantage important fréquemment cité pour résoudre des différends par voie d’arbitrage. Les dispositions de confidentialité sont, d’ailleurs, souvent ce qui incite de nombreuses parties ayant un différend commercial à opter pour un arbitrage plutôt qu’un processus judiciaire, où le litige devient généralement du domaine public.
Les clauses de confidentialité se trouvent dans l’entente d’arbitrage ou dans les règles qui le régissent. Par exemple, sauf si les parties en conviennent autrement, les règles d’arbitrage de l’IAMC placent, sous réserve de certaines exceptions, comme une divulgation requise par la loi ou aux parties ayant un intérêt financier direct dans l’arbitrage[1], l’existence de cette procédure et l’ensemble des communications, dossiers et décisions sous le sceau de la confidentialité. De telles dispositions sont courantes. Les parties peuvent en convenir, mais elles ne peuvent pas établir d’entente en dehors des obligations légales qui imposent une divulgation. Alors, dans quelle mesure un arbitrage est-il réellement confidentiel? Le présent article porte sur les problèmes de confidentialité dans le cadre d’un arbitrage qui touche des entités publiques et des bailleurs de fonds de litiges. Il aborde également certains facteurs à prendre en compte pour gérer ces problèmes et les attentes des parties.
Entités publiques
Entités gouvernementales
Les contrats commerciaux entre une entité gouvernementale et une partie privée peuvent inclure des clauses d’arbitrage qui énoncent les conditions standards de confidentialité, mais ces dispositions peuvent ne pas être applicables. Par exemple, lorsque le gouvernement fédéral est l’une des parties d’un arbitrage, la Loi sur l’accès à l’information et la Loi sur la protection des renseignements peuvent s’appliquer pour rendre inopérantes les dispositions de confidentialité.
Lorsqu’elles considèrent la confidentialité d’une procédure d’arbitrage à laquelle participe une entité gouvernementale, les parties doivent comprendre le régime législatif applicable et toute information qui pourrait y être assujettie. Elles devraient analyser une entente d’arbitrage ou un contrat contenant une clause d’arbitrage obligatoire avant de les conclure, puis déterminer si les attentes en matière de confidentialité peuvent être atteintes ou gérées dans ces circonstances.
Les entreprises publiques
Elles sont tenues de respecter les lois, lesquelles peuvent l’emporter sur les dispositions de confidentialité établies dans une entente d’arbitrage ou les règles de procédure visant à le régir. Les sociétés d’État sont assujetties à des exigences de déclaration et diverses obligations de divulgation en dehors desquelles elles ne peuvent établir de contrat et qui peuvent limiter l’information pouvant demeurer confidentielle. Par exemple, les lois sur les valeurs mobilières exigent habituellement qu’une entreprise publique divulgue certains renseignements financiers et changements importants touchant l’entreprise. Ces obligations de déclaration peuvent nécessiter de divulguer certains aspects d’un arbitrage, notamment l’identité des parties, les sommes en jeu, les positions respectives des parties et le fondement de ces positions. Les parties qui envisagent un arbitrage avec une entreprise publique doivent tenir compte, d’une part, des renseignements qu’elles pourraient être tenues de révéler pour éviter toute surprise quant à leur divulgation et, d’autre part, de toute érosion inattendue des avantages habituels de l’arbitrage.
Bailleurs de fonds de litige
Ces dernières années, le nombre de bailleurs de fonds de litige tiers a considérablement augmenté pour aider à compenser les dépenses et les risques liés à la résolution des différends. Un bailleur de fonds tiers n’est pas parti au litige, mais en finance entièrement ou partiellement les coûts, moyennant des frais ou une partie des sommes récupérées. Pour prendre des décisions d’investissement éclairées, les bailleurs de fonds de litige ont besoin des renseignements initiaux sur le différend et d’être informés de façon continue sur la procédure, ce qui peut être contraire aux dispositions de confidentialité de l’arbitrage.
Bien que les conditions des ententes de financement d’un litige incluent généralement des dispositions de confidentialité, une partie devrait se demander : i) si elle doit conclure une entente de confidentialité ou de non-divulgation avec le bailleur de fonds de litige; et ii) si elle devrait informer l’autre partie au litige de la participation de ce bailleur afin d’atténuer toute réclamation arguant qu’elle n’a pas respecté la confidentialité de l’entente en lui divulguant certains aspects de l’arbitrage et du différend. En outre, les bailleurs de fonds de litige sont souvent des sociétés cotées en bourse et les préoccupations liées aux obligations de divulgation d’une entreprise publique peuvent aussi leur être applicables. Ils pourraient donc être tenus de divulguer certains renseignements concernant les différends financés.
Gestion des problèmes de confidentialité
En ce qui concerne les exemples susmentionnés, il existe plusieurs circonstances dans lesquelles les dispositions de confidentialité d’un arbitrage peuvent être rendues inopérantes. Lorsqu’elles évaluent les avantages de l’arbitrage pour résoudre un différend, les parties doivent savoir que la confidentialité peut, dans certaines situations, être limitée.
Pour contribuer à atténuer ces problèmes et éviter des surprises désagréables qui peuvent survenir pendant le règlement du différend, une partie peut envisager ce qui suit :
- demander conseil concernant les lois applicables en matière de divulgation – tant pour elle que pour la partie adverse – et en dehors desquelles une partie ne peut établir de contrat;
- prévoir une clause de confidentialité qui tient compte des circonstances uniques des parties plutôt que d’utiliser une clause de confidentialité générale;
- déterminer si les dispositions de confidentialité nécessitent une clause d’exception (p. ex., pour d’éventuels bailleurs de fonds de litige, sociétés mères ou affiliées, etc.);
- déterminer si une entente de confidentialité ou de non-divulgation distincte est nécessaire.
[1] Règles d’arbitrage de l’IAMC, Version 2, en vigueur à partir du 1er décembre 2016, R. 1.2, 4.18.2, 4.18.4
Karen McPeak est associée chargée du contentieux chez Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L.. Karen exerce dans un large éventail de litiges d’entreprises et commerciaux, et possède de l’expérience en litiges commerciaux et en règlement de différends.