Le financement de l’arbitrage par des tiers et l’arbitrage international : une tendance à long terme?
Par Timothy St. John Ellam, KC, FCIArb et Alison Bond
Le financement de l’arbitrage par des tiers n’est pas nouveau, mais le climat économique actuel rendra probablement l’obtention de ce type de financement encore plus compétitive. En parallèle, l’attrait d’un tel financement fera probablement des bailleurs de fonds tiers des participants étroitement liés au processus d’arbitrage. Il sera cependant important d’observer l’évolution des règles et des lignes directrices en matière d’arbitrage lorsqu’il s’agit de la participation des bailleurs de fonds tiers à des plaintes soumises à l’arbitrage.
Le financement de l’arbitrage par des tiers pour des parties dans le cadre d’arbitrages internationaux n’est pas une évolution récente. En effet, pendant de nombreuses années, les parties à l’arbitrage se sont intéressées à recourir à des bailleurs de fonds tiers pour aider à financer leurs réclamations. Et, en parallèle, certaines règles et lignes directrices d’arbitrage ont reconnu de façon similaire que les parties ont parfois besoin de financement externe pour mener leur réclamation à l’arbitrage ou déposer une demande reconventionnelle. Cependant, l’obtention d’un tel financement se fera probablement dans un contexte compétitif étant donné le climat économique incertain actuel dans lequel des parties à l’échelle mondiale tentent de s’orienter, conséquence de la pandémie de COVID-19. L’inflation croissante, les problèmes de chaîne d’approvisionnement et la discussion d’une crise économique imminente mettent la pression sur les parties, et rendent de plus en plus attrayante l’option d’un financement par des tiers.
Les difficultés auxquelles doivent faire face les parties à l’arbitrage dans le monde aideront possiblement les bailleurs de fonds tiers à s’établir dans des territoires à l’échelle mondiale, mais également à devenir des participants davantage intégrés au processus d’arbitrage d’un point de vue général.
Les réclamations susceptibles d’être financées par des tiers
Bien entendu, toutes les réclamations ne seront pas un investissement attrayant aux yeux de bailleurs de fonds tiers. Toutefois, dans l’environnement économique actuel, certaines d’entre elles auront plus de chances de faire l’objet d’un financement par des tiers que d’autres. Voici quelques exemples :
- Évidemment, une demande d’arbitrage qu’un bailleur de fonds tiers évalue comme ayant de bonnes chances de réussite attirera vraisemblablement du financement. Lorsqu’ils décident de financer des réclamations en justice, les bailleurs de fonds tiers évaluent le bien-fondé d’une réclamation et ses chances de réussite.
- Si l’on suppose qu’une réclamation a une base solide, la possibilité d’obtenir des dommages-intérêts est également une considération clé pour les bailleurs de fonds tiers.
- En lien à cette possibilité est la capacité des montants de ces dommages-intérêts à être recouvrés par la partie financée lorsqu’elle a obtenu gain de cause. Ainsi, lorsque la contrepartie à un arbitrage a les moyens, les bailleurs de fonds tiers sont plus enclins à financer sa réclamation. Lorsqu’un bailleur de fonds doute de la possibilité de recouvrer ces dommages-intérêts, il peut en fin de compte refuser d’apporter toute assistance.
Le recouvrement des dommages-intérêts (et les chances d’obtenir du financement) dépend également de la capacité à faire respecter la sentence. À cet égard, l’avantage de l’arbitrage, par rapport à celui du procès, est que beaucoup de pays sont signataires de la Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (la Convention de New York »). Ces pays ont adhéré à la Convention de New York en ayant le but d’accepter de faire appliquer les décisions arbitrales rendues dans d’autres pays.
L’incidence sur les bailleurs de fonds tiers et l’arbitrage international en général
Bien que la pandémie de COVID-19 ait été un catalyseur de changement dans le contexte de l’arbitrage international, l’ampleur de ses répercussions sur le financement par des tiers dans cette situation est identique. Les changements à surveiller :
(a) L’évolution continue des règles et des lignes directrices d’arbitrage relatives à la participation de bailleurs de fonds tiers. Pour s’assurer de l’indépendance et de l’impartialité du tribunal d’arbitrage, le Règlement d’arbitrage de la Chambre de commerce internationale (la « CCI »), récemment mis à jour, visent directement le financement par des bailleurs de fonds tiers. L’article 11 de ce règlement exige que les parties informent le Secrétariat de l’ICC, le tribunal arbitral et les autres parties « de l’existence et de l’identité de tout tiers ayant conclu une convention pour le financement de ses demandes ou défenses et au titre de laquelle celui-ci aurait un intérêt économique dans l’issue de l’arbitrage[1]. » D’autres règlements d’arbitrage institutionnel importants qui exigent la divulgation de tout financement par un ou des bailleurs de fonds tiers sont le règlement d’arbitrage de 2018 administré par le Centre d’arbitrage international de Hong Kong (HKIAC) et celui du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI). Il sera intéressant de voir si d’autres grandes institutions d’arbitrage, comme la Cour d’arbitrage international de Londres, vont emboîter le pas;
(b) La façon dont les règles d’arbitrage sont revues et élaborées pour traiter les conflits d’intérêts potentiels entre un arbitre et le bailleur de fonds tiers;
(c) Si une demande de financement conduira en général à une croissance du marché du financement par des bailleurs de fonds tiers; Cependant, comme indiqué précédemment, les bailleurs de fonds sont intéressés par les réclamations qui ont de bonnes chances de réussite et les dommages-intérêts récupérables.
À tout le moins, l’environnement économique actuel a favorisé l’établissement des bailleurs de fonds tiers en tant que participants majeurs au processus arbitral. La façon dont le volume et les types de plaintes soumises à l’arbitrage seront touchés par la demande croissante de financement par des bailleurs de fonds tiers reste encore à déterminer. Pour l’instant, leur participation dans le paysage de l’arbitrage a engendré de nombreuses discussions qui ne cesseront pas de si tôt.
[1] Règlement d’arbitrage, ICC, paragr. 11(7), https://iccwbo.org/dispute-resolution-services/arbitration/rules-of-arbitration/.
Timothy St. John Ellam, KC, FCIArb est associé au sein du groupe de résolution de litiges McCarthy Tétrault à Calgary, en Alberta, et à Londres, au Royaume-Uni. Il codirige le groupe d’arbitrage international de la firme. Monsieur Ellam est membre de la Law Society of Alberta et de la Law Society of England and Wales.
Alison Bond est associée au sein du groupe de résolution de litiges McCarthy Tétrault à Toronto, en Ontario, et est membre du groupe d’arbitrage international de la firme. Madame Bond est membre de la Law Society of Ontario et de la Law Society of England and Wales.