L’arbitrage inclusif – guide de la CCI sur l’intégration des personnes handicapées dans l’arbitrage international et le règlement extrajudiciaire des différends : comment s’y retrouver?
Par Ayodele Akenroye, Ph.D., FCIArb
Le 30 octobre 2023, la Chambre de commerce internationale (CCI) a publié une ressource sans précédent, un guide sur l’intégration des personnes handicapées dans l’arbitrage et le règlement extrajudiciaire des différends internationaux intitulé Guide on Disability Inclusion in International Arbitration and ADR (le « Guide »). Cette publication marque une avancée cruciale dans la promotion de la participation active et significative des personnes handicapées dans le secteur de l’arbitrage. Dans cet article, j’explore l’importance du Guide et je présente les mesures à prendre par les praticiens canadiens en matière d’arbitrage pour accroître l’inclusion dans les procédures d’arbitrage.
Analyse du Guide
Le Guide offre un aperçu détaillé de la manière dont nous pouvons rendre l’arbitrage international et le règlement extrajudiciaire des différends plus accessibles aux personnes handicapées. Il insiste fortement sur l’importance de répondre à des besoins divers afin de garantir un accès équitable à la justice pour tous les participants. Conçu pour les praticiens en matière d’arbitrage, les institutions et les autres parties prenantes, le guide couvre divers aspects essentiels, notamment la communication, l’accès physique, les adaptations raisonnables et l’utilisation de la technologie pour améliorer l’équité et l’efficacité globales.
Dans le monde de l’arbitrage international, où se déroulent des actions judiciaires complexes, le Guide fournit une feuille de route pour l’inclusion. En abordant les défis multiformes auxquels sont confrontées les personnes handicapées, il s’efforce d’uniformiser les règles du jeu et de favoriser un environnement non seulement solide sur le plan juridique, mais aussi intrinsèquement équitable et juste.
Le contexte canadien
Des données récentes de Statistique Canada révèlent qu’environ huit millions de Canadiens sont aux prises avec au moins un handicap, un chiffre qui a doublé au cours de la dernière décennie[1]. Fait plus frappant encore, 72 % de ces personnes ont rencontré des obstacles à l’accessibilité au cours de l’année précédente[2]. Ces statistiques soulignent l’omniprésence du handicap dans notre société et appellent à un examen de nos pratiques afin de garantir que les principes de justice et d’accessibilité s’appliquent à tous, sans exception.
Les praticiens canadiens en matière d’arbitrage : des agents de changement
Le Guide encourage les praticiens canadiens en matière d’arbitrage à prendre des mesures proactives en tant que catalyseurs du changement dans le domaine de l’arbitrage. Voici quelques suggestions utiles adaptées à notre contexte :
- Campagne de sensibilisation
Familiarisez-vous avec le contenu du Guide et diffusez ses principes clés au sein de votre organisation et de vos réseaux professionnels. En lançant une campagne de sensibilisation, vous contribuez à une compréhension collective de l’importance de l’inclusion du handicap dans l’arbitrage.
- Initiatives de formation
Adoptez des initiatives de formation continue sur l’inclusion des personnes handicapées et l’accessibilité. Il est essentiel de comprendre les subtilités de l’adaptation aux personnes handicapées. En investissant dans la formation, vous vous donnez les moyens de naviguer avec finesse dans les nuances de l’intégration des personnes handicapées.
- Communication proactive
Engagez une communication proactive avec les participants afin de reconnaître et d’aborder les adaptations ou le soutien spécifiques nécessaires pour participer pleinement à la procédure d’arbitrage. Cette démarche suppose d’aller au-delà d’une approche unique et de créer un dialogue qui garantisse que les besoins individuels sont à la fois compris et satisfaits. En adoptant les recommandations du Guide visant à faire de l’inclusion du handicap un point par défaut dans les conférences initiales de gestion des cas, y compris des dispositions normalisées dans la première ordonnance de procédure pour la déclaration des handicaps et des demandes d’adaptation, les praticiens ouvrent la voie à un environnement d’arbitrage plus inclusif.
- Installations d’audience accessibles
Veillez à ce que les installations d’audience soient non seulement physiquement accessibles, mais aussi équipées de la technologie appropriée pour aider les personnes souffrant de déficiences auditives, en reconnaissant que d’autres déficiences résultant de handicaps peuvent nécessiter des adaptations raisonnables. Par exemple, un participant tétraplégique pourrait bénéficier de mesures d’adaptation par l’adoption d’un format d’audience hybride ou par l’autorisation de la présence d’un soignant. De même, la participation d’une personne aveugle peut être facilitée par la tenue d’une audience en personne avec un chien-guide, et le dossier de preuve peut être rendu lisible par machine pour l’utilisation d’un logiciel de synthèse vocale. Une interprétation en langue des signes doit être assurée pour les personnes malentendantes ou sourdes lors des audiences en personne. Des ajustements peuvent être apportés à l’horaire ou à la durée des séances pour tenir compte des troubles cognitifs, et des espaces de tranquillité désignés ou des pauses non programmées peuvent être accordés aux participants enclins aux troubles émotifs. Un assouplissement de l’horaire de l’audience, sans pénalité, peut être autorisé pour les participants confrontés à des handicaps graves. Si l’accès physique au lieu d’audience est limité pour les personnes à mobilité réduite, des dispositions peuvent être prises pour les déplacer. Cette approche globale permet non seulement d’éliminer les obstacles physiques, mais aussi d’englober un vaste éventail de mesures d’adaptation raisonnables, envoyant ainsi un message fort : la voix de chacun mérite d’être entendue et prise en compte d’une manière équitable et inclusive.
- Intégration de la technologie
Intégrez la technologie de manière réfléchie pour faciliter la communication, offrir une transcription en temps réel et fournir diverses formes de soutien. À une époque où la technologie est omniprésente, son utilisation stratégique peut améliorer considérablement la participation des personnes handicapées aux procédures d’arbitrage. La technologie peut être un outil puissant pour l’inclusion. Conformément aux recommandations du Guide, les institutions et les organisations devraient évaluer leur présence en ligne, y compris les sites Web et les médias sociaux, afin d’adhérer aux pratiques exemplaires en matière d’inclusion des personnes handicapées dans le secteur des services, et étendre cette évaluation aux services numériques et de télécommunication, notamment le téléphone, les kiosques, les applications et les bases de données. En outre, les institutions d’arbitrage peuvent acquérir des licences pour des logiciels de reconnaissance optique de caractères et de synthèse vocale afin de réduire ou d’éliminer les coûts pour les participants à des procédures individuelles, ce qui améliore encore l’accessibilité. Utilisez les enseignements tirés de ces évaluations pour mettre en place des politiques garantissant une accessibilité permanente et intégrez des références pertinentes au handicap dans les discussions sur la diversité, afin de favoriser un environnement véritablement inclusif.
En adoptant ces recommandations, les praticiens canadiens en matière d’arbitrage assument un rôle proactif dans la création d’un environnement plus inclusif et plus équitable pour les personnes handicapées participant à l’arbitrage international et au règlement extrajudiciaire des différends. La question n’est pas seulement de se conformer aux règles; il s’agit d’intégrer l’inclusion dans le tissu de nos pratiques professionnelles.
Conclusion
Le Guide n’est pas seulement un ensemble de lignes directrices, mais une feuille de route pour recalibrer notre approche de l’arbitrage en tenant compte de la diversité des besoins des participants.
En adoptant les principes et les recommandations énoncés dans le Guide, les praticiens canadiens en matière d’arbitrage se positionnent comme des pionniers dans la promotion de l’inclusion des personnes handicapées dans l’arbitrage.
Les personnes désireuses d’obtenir de plus amples détails et des recommandations particulières sont vivement encouragées à lire attentivement le Guide.
[1] Statistique Canada, Nouvelles données sur l’incapacité au Canada, 2022, publié en ligne à l’adresse https://www150.statcan.gc.ca/n1/pub/11-627-m/11-627-m2023063-fra.htm (dernier accès le 10 janvier 2024)
[2] Ibid.
Ayodele Akenroye, LL.B., B.L. LL.M., Ph. D., FCIArb est un arbitre international indépendant exerçant à Toronto et un avocat de la Couronne fédérale auprès du Service des poursuites pénales du Canada et du gouvernement du Canada à Ottawa. Il est président du sous-comité sur la diversité du comité d’arbitrage de la CCI Canada. Il a également été membre du groupe de travail de la CCI sur l’inclusion des personnes handicapées dans l’arbitrage international et le règlement extrajudiciaire des différends. Il est titulaire d’un doctorat en droit de l’Université McGill et membre des barreaux de l’Ontario, de la Saskatchewan, du Manitoba et du Nigeria.