CRITIQUE LITTÉRAIRE
Comparative Dispute Resolution
Maria Federica Moscati, Michael Palmer et Marian Roberts, éd.,
Edward Elgar Publishing, 2020.
608 pages.
ISBN 978-1-78643-302-2
320,00 $ CAN.1
Une critique par : Colm Brannigan, LL.M. (PRD), Méd.A, Arb.A, IMI Cert., FCIArb
Ce volume de la série Research Handbooks in Comparative Law constitue une contribution appréciable et opportune à la littérature sur le règlement comparatif des différends, rendue par ailleurs encore plus importante par l’adoption de la Convention de Singapour sur la médiation en 20192 , et l’accroissement du recours aux processus de règlement des différends en raison de l’éclosion de la pandémie de COVID 19.
Cette série vise à « réunir les écrits sophistiqués, mais accessibles d’un cercle international d’éminents chercheurs » (traduction libre) et ce livre atteint, en règle générale, cet objectif en offrant un aperçu exhaustif du domaine. Cet ouvrage, qui réunit aussi bien des experts reconnus qu’émergents dans le domaine du règlement des différends, couvre un vaste éventail de sujets qu’il est possible de découvrir dans la table des matières, accessible ici.
La qualité de l’écriture est élevée, ce qui constitue un exploit compte tenu de la grande variété de sujets abordés et d’auteurs.
En ma qualité de praticien du règlement des différends (excepté les différends familiaux), les chapitres 3, 4, 6, 7, 12, 14, 15, 16, 18, 23, 28 et 29 ont particulièrement attiré mon attention, bien que l’ouvrage complet se révèle intéressant avec sa large gamme de sujets peu susceptibles de se retrouver réunis dans une autre collection.
D’ailleurs, peut-être aurait-il mieux valu que les éditeurs regroupent moins de sujets dans un même livre, plus particulièrement dans l’intérêt des praticiens et des étudiants, puisqu’il m’est apparu, à la lumière de ma critique, que le concept disant qu’il vaut mieux « ne pas abuser des bonnes choses » s’appliquait ici. En effet, le volume de renseignements présentés est presque accablant. Il semble également y avoir un manque de fluidité ou d’adéquation dans le positionnement de certains chapitres des différentes sections, bien que cela ne diminue en rien leur importance.
L’ouvrage Comparative Dispute Resolution fait presque office d’encyclopédie pour ce qui est de sa vue d’ensemble internationale, quoiqu’il présente une collection quelque peu inégale d’essais et qu’on y retrouve d’importantes lacunes sur le plan des sujets traités, tout particulièrement d’une perspective canadienne. Effectivement, un seul des 40 collaborateurs, ou peut-être deux, semblaient avoir un lien substantiel avec le Canada. Du reste, aucun d’entre eux, que ce soient parmi les praticiens ou les universitaires, ne semble exercer au Canada. Ceci me semble difficile à comprendre, puisque la PRD est abondamment utilisée au Canada depuis longtemps, sans compter le grand nombre de praticiens et d’universitaires impliqués dans le domaine au pays.
L’ajout d’un chapitre sur la PRD au Canada aurait enrichi le livre et contribué à l’atteinte de son objectif ultime, en plus de le rendre beaucoup plus pertinent pour les lecteurs potentiels du Canada, sans compter que cela aurait permis de partager l’expérience canadienne avec un large public.
Par souci de justesse, il est vrai qu’il y a quelques allusions au recours à la PRD au Canada, notamment une mention des initiatives entreprises au Royaume-Uni et au Canada envers la mise en place d’un tribunal en ligne, à la page 415. De plus, le règlement Notice to Mediate (avis de médiation) de la Cour suprême de la Colombie-Britannique est mentionné aux pages 458 à 460, mais il n’est nulle part fait mention du Programme de médiation obligatoire de l’Ontario, qui est pourtant en vigueur depuis 1999 et qui, bien que limité sur le plan de son déploiement, s’est révélé des plus importants pour établir des liens entre la PRD et la justice civile. Bien sûr, la question de savoir s’il s’agit là d’un résultat positif peut faire l’objet d’un débat, mais c’est un débat qui convient à un ouvrage de cette nature.
En outre, l’inclusion du système judiciaire de règlement des différends bien développé de l’Alberta3 aurait renforcé les discussions au chapitre 20.
D’autre part, le Canada est l’un des rares pays avec un système juridique mixte (common law et droit civil) où le concept et l’usage d’un processus autonome intégré de médiation-arbitrage sont activement développés au-delà de ce qui est déjà accepté pour le règlement des différends en droit du travail et droit de la famille.
L’Institut d’arbitrage et de médiation du Canada (IAMC) a en outre établi des Règles méd-arb nationales4 . Bien sûr, celles-ci n’ont été finalisées qu’au début de 2020, alors que l’ouvrage avait déjà été envoyé à la publication, mais il convient de préciser que l’examen approfondi du processus et la rédaction des règles exhaustives étaient en cours depuis 2017 et que donc, un collaborateur, universitaire ou praticien canadien aurait pu enrichir l’approche limitée de l’ouvrage sur ce sujet.
Une autre omission, celle-là assez surprenante, est l’absence de tout commentaire sérieux sur la conception et la mise en œuvre d’un système de règlement des différends en ligne au Canada. Il s’agit là d’un domaine dans lequel le Canada est reconnu comme un chef de file incontesté, tout particulièrement en ce qui concerne la prestation d’un tel service par l’intermédiaire de tribunaux en ligne. Une telle omission ne s’explique pas aussi facilement que le fait de ne pas pouvoir respecter les dates de publication.
En Colombie-Britannique, le Civil Resolution Tribunal (CRT)5 (tribunal du règlement civil) a commencé ses activités en juillet 2016 et a vu depuis son autorité augmenter afin de couvrir une large gamme de différends. En Ontario, le Tribunal de l’autorité du secteur des condominiums, qui œuvre entièrement en ligne, est entré en activité en novembre 2017.6
Ces tribunaux offrent des occasions de négociation, de médiation et, si nécessaire, d’arbitrage et constituent des modèles de ce qu’un véritable accès à la justice peut offrir. En effet, ils sont faciles d’accès, rapides, peu coûteux et affichent un taux de satisfaction des utilisateurs de plus de 80 %7 (lorsque des statistiques sont disponibles).
La fonction novatrice « Solution Explorer » du CRT, qui offre aux utilisateurs des directives faciles à comprendre, s’inscrit parfaitement dans ce que Richard Susskind décrit comme un usage de la technologie qui transforme le système judiciaire.8 Ces initiatives méritaient d’être incluses dans ce manuel comparatif et, d’une manière générale, l’absence d’information supplémentaire sur le règlement des différends en ligne nuit malheureusement à la nature exhaustive de l’ouvrage.
Malgré mes commentaires sur le manque de mention du Canada, les éditeurs et collaborateurs méritent notre reconnaissance pour avoir réussi à nous offrir une telle richesse de ressources. Malheureusement, étant donné son coût et sa taille, il est peu probable que cet ouvrage se retrouve dans les bibliothèques des praticiens de la PRD.
Il constitue néanmoins une fantastique ressource pour les étudiants en PRD et trouvera parfaitement sa place dans les bibliothèques collégiales et universitaires puisqu’il vaut la peine d’être lu, que ce soit en entier ou en partie, selon les chapitres qui vous intéressent. Je vous encourage d’ailleurs vivement à le faire.
[1] Le format numérique est vendu à partir de 20 £/26 $ par les vendeurs de livres numériques, alors que le format imprimé peut être commandé sur le site Web d’Edward Elgar Publishing (les prix des livres numériques pour les juristes peuvent varier).
[2] https://www.singaporeconvention.org/
[3] https://albertacourts.ca/qb/areas-of-law/jdr
[4] https://adric.ca/fr/rules-codes/adric-med-arb-rules/
[5] https://civilresolutionbc.ca/
[6] https://www.condoauthorityontario.ca/tribunal/?lang=fr
[7] https://civilresolutionbc.ca/participant-satisfaction-survey-may-2021/
[8] Richard Susskind, Online Courts and the Future of Justice, Oxford, Oxford University Press, 2019.
Colm Brannigan, LL.M. (PRD), Méd.A, Arb.A, IMI Cert., FCIArb
Colm Brannigan est un médiateur et un arbitre agréé et a été la première personne à recevoir le titre de médiateur-arbitre agréé de l’IAMC. Il est un leader canadien reconnu dans le développement du règlement des différends en ligne et des processus de médiation-arbitrage. Il est possible de communiquer avec Colm sur son site Web www.mediate.ca.