Conflits au travail : Promouvoir un lieu de travail sain
Un lieu de travail diversifié peut apporter de nombreux avantages à une entreprise ou à un organisme. Les entreprises qui ne gèrent pas la diversité et l’inclusion sur le lieu de travail par l’élaboration d’une politique, l’éducation et la formation peuvent être confrontées à divers problèmes, notamment des conflits pouvant requérir une médiation.
Les entreprises et les organismes ont récemment déployé de grands efforts pour se doter d’une main-d’œuvre diversifiée et inclusive. Des chercheurs, dont ceux de la Harvard Review, ont insisté sur les avantages de la diversité dans une entreprise[1]. Ceux-ci comprennent entre autres une diversification des points de vue permettant d’offrir davantage d’options et de solutions aux clients et aux prestataires de services, d’augmenter les niveaux de productivité et d’accroître la valeur monétaire de l’entreprise.
Je suis un fervente défenseuse de la promotion de la diversité sur le lieu de travail, en particulier dans les professions juridiques et de médiation[2].
Bien que la diversité sur le lieu de travail favorise la création d’une multitude de perspectives et d’idées, elle peut également être source de mal-être et générer des conflits et des effets contre-productifs.
Pourquoi?
Les différentes perspectives, procédures et éthiques de travail ne s’alignent pas toujours sur la « norme ». Les équipes diversifiées sont souvent influencées dans leurs activités professionnelles par les origines culturelles, les croyances religieuses et les expériences de vie de leurs membres. Une exposition insuffisante à ces diverses méthodes de travail, approches de leadership et méthodes de communication au sein d’une entreprise et d’un organisme peut entraîner des conflits. De plus, une productivité accrue peut éventuellement intensifier la concurrence entre les membres d’une équipe et favoriser le racisme, le sexisme et d’autres formes de discrimination susceptibles d’engendrer des conflits.
Pour lutter contre la discrimination, bon nombre d’entreprises et d’organismes mettent en place une formation rudimentaire en matière de diversité, d’équité et d’inclusion (DEI). Ces initiatives sont plutôt sommaires et n’ont qu’un impact minimal, voire nul, sur la culture et l’état d’esprit de l’entreprise, ce qui contribue en fin de compte à perpétuer le problème initial. Par conséquent, les personnes issues de milieux divers voient leur bien-être mental et leur satisfaction professionnelle se dégrader.
J’ai récemment agi en qualité de médiatrice dans un litige opposant deux parties qui avaient du mal à trouver un terrain d’entente pour leurs projets. Cette divergence avait entraîné des retards et des dissensions entre collègues qui avaient créé un environnement de travail hostile. Malgré les efforts consentis pour désamorcer la situation, ces personnes ont dû demander de l’aide pour pouvoir discuter ouvertement de leurs griefs dans un environnement sûr, avec l’aide d’un médiateur. J’ai constaté qu’en plus de la discrimination sexuelle et raciale, des problèmes plus généraux à l’échelle de l’entreprise avaient contribué au conflit. Ces conflits étaient liés au style de leadership dans son ensemble et au manque de soutien de l’entreprise envers ses employés en ce qui concerne l’engagement pour la DEI.
À moins que les entreprises ne mettent en place des mesures de soutien et des politiques fondées sur les motifs protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne, les conflits de cette nature continueront à éclater.
Que peuvent faire les employeurs pour changer la culture de l’entreprise et instaurer un lieu de travail inclusif?
Voici quelques possibilités :
- S’engager pour la DEI. S’engager, c’est être à l’écoute des besoins des employés de l’entreprise et mettre en place des politiques favorisant la suppression des barrières sur le lieu de travail pour assurer un soutien à long terme de la DEI. Cette démarche contribuera à terme à changer la culture de l’entreprise.
- Investir dans la formation. Une formation continue et cohérente peut améliorer la compréhension. Il faut faire appel à des formateurs capables de travailler avec des groupes et des individus pour aider les employés et les dirigeants à comprendre les effets de la discrimination et des différences culturelles. Cette formation doit comporter des activités et un enseignement théorique étalés sur toute l’année pour faciliter l’assimilation de l’information et modifier les habitudes des employés afin de soutenir le changement de culture. À titre d’exemple, la plupart des gens diront qu’ils « tolèrent » les différences et n’exercent aucune discrimination à l’encontre des personnes en raison de la couleur de leur peau, parce qu’ils ne la voient pas (ils ne font pas de discrimination fondée sur la couleur de la peau). Le problème avec cette attitude est que les valeurs culturelles, les croyances, les comportements et les attitudes que les personnes racialisées apportent avec elles peuvent passer inaperçus ou ne pas être respectés. L’absence de discrimination fondée sur la couleur de la peau peut ne pas poser de problème lors d’interactions brèves et ponctuelles en dehors du lieu de travail. Mais dans un environnement de travail où les gens se côtoient de près, cette attitude peut causer des dommages regrettables. À mon avis et d’après mon expérience personnelle, il est plus difficile de voir au-delà de la couleur de peau d’une personne lorsque la dynamique culturelle interfère avec ce qui est considéré comme « normal », ce qui conduit finalement à des comportements et à des barrières discriminatoires.
Lors d’une récente formation sur la DEI, j’ai pris l’exemple d’une personne blanche qui part en vacances avec un ami musulman pratiquant. Bien qu’ils soient amis et qu’ils n’aient jamais été victimes de discrimination, partir en vacances peut exiger davantage d’aménagements de la part de l’ami musulman. Par exemple, les amis peuvent ne pas fréquenter les mêmes restaurants en l’absence de plats halal. Ils peuvent ne pas pouvoir partager une chambre à l’hôtel en raison de l’engagement de l’ami musulman à faire ses prières tôt le matin. Le fait de devoir respecter les heures de prière peut perturber le déroulement des excursions et des déplacements d’une journée[3].
Sans une compréhension approfondie des différentes visions du monde et des différences culturelles, les relations personnelles et professionnelles peuvent facilement déboucher sur des conflits.
C’est pourquoi il est essentiel que les entreprises mettent en place des formations qui permettent aux employés d’approfondir leur connaissance des dynamiques culturelles et d’acquérir de solides compétences en communication interculturelle.
- Mettre en place des espaces de communication. Les espaces de communication constituent un excellent moyen pour comprendre les différentes cultures des employés au sein de l’entreprise. Ce sont d’excellents moyens de favoriser l’inclusion. La mise en place d’espaces de communication est un pas en avant vers la création d’un environnement sûr où les gestionnaires et les employés peuvent discuter entre eux d’eux-mêmes et de leur travail. Les collègues peuvent s’exprimer en toute transparence et se faire comprendre sur l’éthique du travail et les processus de prise de décision. Les espaces de communication permettent d’améliorer les relations de travail et l’engagement envers le travail lui-même.
Que peuvent faire les employés lorsqu’ils sont confrontés à un conflit au travail?
Lorsque les relations de travail ne reposent pas sur une compréhension mutuelle, les conflits peuvent s’avérer extrêmement destructeurs et avoir des conséquences désastreuses. Dans le cadre de mon travail de médiatrice, je constate trop souvent les effets destructeurs de ces conflits, c’est pourquoi je crée des outils qui aident les parties à les éviter. Chaque outil est conçu pour favoriser l’écoute des personnes en conflit et des circonstances qui leur sont propres.
Le manque de communication est l’un des principaux problèmes auxquels je suis confrontée lors de mes médiations.
Les parties impliquées dans un conflit au travail peuvent tenter de le résoudre en procédant comme suit :
- Communiquer avec l’autre partie et reconnaître la présence d’un conflit.
- Lui demander si elle est disposée à prendre le temps de discuter des problèmes à l’origine du conflit.
- S’écouter mutuellement avec respect et empathie dans le cadre d’une réunion pour comprendre les différents points de vue.
- Examiner les intérêts de chacun dans la résolution du conflit et trouver des solutions acceptables pour les deux parties.
- Mettre l’accent sur la nécessité d’aller de l’avant en proposant des solutions durables et en laissant le passé derrière soi.
La gestion des conflits dans de telles situations peut s’avérer difficile, en particulier lorsque les émotions sont à fleur de peau et que les parties se sentent menacées. Si un conflit devient insurmontable, adressez-vous au personnel du service des ressources humaines et demandez à vous entretenir avec un médiateur expérimenté. La médiation pourrait être une meilleure solution que de déposer une plainte formelle ou de démissionner. La médiation peut donner aux employés la possibilité de participer activement à la résolution des problèmes et d’obtenir satisfaction, ce qui peut déboucher sur des solutions transformatrices.
[1] Harvard Review : How and Where Diversity Drives Financial Performance, par Rocio Lorenzo et Martin Reeves, 30 janvier 2018.
[2] J’ai coprésidé le comité de rédaction d’un rapport publié par l’Association du Barreau de l’Ontario en avril 2022, intitulé Neutral Diversity in Ontario, qui portait sur le manque de diversité au sein de la profession de médiateur et sur les moyens de l’accroître (www.oba.org/adr).
[3] Les musulmans pratiquants prient 5 fois par jour : À l’aube, à midi, l’après-midi, le soir et la nuit.
Afsana Gibson-Chowdhury est avocate, arbitre et médiatrice. Elle a fondé le cabinet Gibson Chowdhury, un cabinet de médiation basé à Toronto spécialisé dans la discrimination sur le lieu de travail et les litiges civils et commerciaux. Elle est formatrice et éducatrice en équité, diversité et inclusion ainsi qu’en communication interculturelle.