CRITIQUE LITTÉRAIRE
Don’t Lose Sight: Vanity, Incompetence, and my ill-fated left eye
Genevieve A. Chornenki
Iguana Books, 2021
ISBN (version imprimée) 978-1-77180-480-6
ISBN (version électronique) 978-1-77180-481-3
Une critique de Heather Swartz, Méd.A, M.S.S.
Dans le livre intitulé Don’t Lose Sight: Vanity, incompetence and my ill-fated left eye, la médiatrice et arbitre estimée Genevieve Chornenki invite le lecteur à explorer la souffrance causée par une chirurgie d’urgence à son oeil gauche et à l’accompagner dans sa recherche obstinée pour protéger d’autres personnes d’un mal semblable. Mme Chornenki montre ce que c’est d’être assis sur la chaise d’un participant qui a un intérêt personnel dans un conflit au lieu de la chaise d’une personne « neutre » qui dirige d’autres personnes dans le cadre d’un processus de règlement. Le récit intime, plein d’esprit, de jeux de mots et coloré qu’expose Mme Chornenki a immédiatement capté mon attention et je suis restée concentrée, sans interruption, pendant les 125 pages suivantes.
Après que l’optométriste de Mme Chornenki ait deux fois échoué à diagnostiquer un décollement de rétine, lui faisant courir un risque de perte permanente de la vision, elle décide de soumettre une plainte officielle auprès du Collège des optométristes. Une proposition de règlement suivant l’inscription d’un plaidoyer de culpabilité à une inconduite professionnelle et une vérification du dossier d’assurance de la qualité échouent à donner suite au motif sous-jacent à la plainte de Mme Chornenki. À la recherche d’un règlement qui protégera d’autres patients d’un risque de diagnostic erroné, Mme Chornenki décline une invitation à fournir une déclaration de la victime, étant donné qu’elle ne se considère pas comme une « victime », et elle choisit d’assister à l’audience disciplinaire avec un avocat afin d’être prise au sérieux. Cependant, elle trouve que le processus impersonnel et incompréhensible.
En 1996, à titre d’étudiante en règlement des différends, j’ai lu l’ouvrage pratique et instructif intitulé Bypass Court: A Dispute Resolution Handbook rédigé conjointement par Genevieve Chornenki et Christine Hart. Le livre qui m’a ouvert l’esprit et les yeux sur un nouveau mode de règlement des conflits a été à la base de ma carrière en développement. Un quart de siècle plus tard, la lecture du roman Don’t Lose Sight a également suscité une réflexion professionnelle et personnelle et ouvert de nouvelles perspectives.
Nous qui nous présentons comme des écoutants professionnels, nous devrions prendre des notes. Les défauts du processus disciplinaire et les erreurs commises par l’optométriste figurant dans Don’t Lose Sight m’ont rappelé les responsabilités qui incombent à tous les professionnels, y compris les spécialistes du règlement des différends. Cela a renforcé le principe de fonctionnement qui me guide et qui est emprunté au domaine médical, « ne pas nuire ». En tant que médiateurs, nous utilisons nos compétences pour aider les parties à décrire leurs « symptômes » et nous les écoutons activement afin de connaître leurs intérêts en sachant qu’il est impossible d’obtenir un règlement si ce qui leur importe demeure non reconnu. De même, en tant qu’évaluateurs du milieu de travail, nous posons des questions ouvertes et écoutons de nombreuses voix pour établir un diagnostic et définir les thèmes soulevés dans un milieu de travail afin que les efforts de rétablissement puissent être concentrés avec efficacité. Dans chaque rôle, nous courons le risque de poser un diagnostic erroné si les hypothèses que nous formulons nous empêchent d’écouter véritablement ce que dit l’autre personne ou si nous conduisons une « investigation » inadéquate avant de « traiter » le problème. Dans le domaine du règlement des différends, les erreurs peuvent causer davantage de souffrance émotionnelle ou provoquer une crise urgente dont les parties à une médiation ou un milieu de travail auront de la difficulté à se rétablir.
Sur le plan personnel, le livre Don’t Lose Sight m’a rendue attentive à mes angles morts, c’est-à-dire ces zones où j’estime que mon expérience en est une qui est commune ou universelle. Mon beau-frère, âgé de 45 ans, était incapable de poursuivre son rêve d’être pompier, car il est daltonien. Bien que je le sache, j’ai eu récemment une conversation avec lui et oublié, une fois encore, qu’il est incapable de percevoir les couleurs comme je les perçois. Ma soeur bien-aimée, qui attend de subir une chirurgie de la cataracte, a limité sa liberté étant donné que l’éblouissement et la diffraction des rayons lumineux font qu’elle n’est plus à l’aise de conduire un véhicule le soir. Peu après qu’elle m’en ait informée, j’ai omis de tenir compte de ses limitations pendant que nous discutions d’une visite possible. Ces deux anecdotes sont de durs rappels que je dois ouvrir les yeux sur les expériences que vivent d’autres personnes et m’imaginer dans leur situation afin d’éprouver de l’empathie pour elles.
J’ai été complètement absorbée par la lecture du livre. Le sens de l’humour et la profonde humanité de Mme Chornenki m’ont entraînée dans un voyage professionnel et personnel. Don’t Lose Sight m’a de nouveau fait prendre conscience de la fragilité de la vue et suscité une appréciation immédiate pour son pouvoir. En regardant par la fenêtre, j’ai remarqué des zones de terrain surélevé parsemées des premiers flocons de neige de la saison et des graminées dorées ondulant dans le vent avec, en toile de fond, des pins vert foncé et des bouleaux gris élancés, éclairés par le soleil de l’après-midi. Ce niveau accru d’attention portée aux détails m’aidera à éviter de ne pas remarquer ce que je devrais voir dans mes relations personnelles et ma pratique professionnelle.
Heather Swartz, Méd.A, M.S.S.
Heather Swartz est partenaire à Agree Incorporated. Elle a plus de 20 ans d’expérience en médiation en milieu de travail, familiale et civile. Sa pratique actuelle porte sur l’évaluation et le rétablissement du lieu de travail. En 2017, Heather a reçu le prix d’excellence régional Lionel J. McGowan de l’Institut d’Arbitrage et de Médiation du Canada (IAMC).