CRITIQUE LITTÉRAIRE
International Commercial Arbitration: A Comparative Introduction
Franco Ferrari et Friedrich Rosenfeld,
Edward Elgar Publishing, 2021
ISBN : 978-1-80088-280-5
Une critique de Eric Morgan, Arb.B, accompagnée d’un commentaire de l’honorable Barry Leon
Les praticiens de l’arbitrage peuvent sélectionner, pour régler chaque différend, les éléments les plus pertinents de divers processus de résolution des différends et processus traditionnels nationaux, en plus des processus élaborés pour l’arbitrage. C’est tout particulièrement le cas dans le domaine de l’arbitrage commercial international où les praticiens sont exposés à l’influence de nombreux autres modes et modèles de pensée de règlement des différends entre entreprises. Sans être liés nécessairement à un pays particulier, les praticiens de l’arbitrage commercial international peuvent puiser dans les idées et les formules de tous les pays et les adapter.
Dans leur ouvrage intitulé International Commercial Arbitration: A Comparative Introduction, Franco Ferrari et Friedrich Rosenfeld, professeurs à l’Université de New York à New York et à Paris, donnent un aperçu sommaire pratique de l’arbitrage commercial international et de la façon dont il se distingue et subit l’influence des systèmes judiciaires nationaux.
L’ouvrage, qui suit l’ordre chronologique d’un arbitrage, présente d’abord les concepts généraux de la convention d’arbitrage, passe ensuite à l’engagement et à la conduite d’un arbitrage et traite enfin de la sentence arbitrale et de son exécution.
Les auteurs commencent par examiner les principaux concepts et dichotomies animant un arbitrage — l’importance du consentement des parties comme base d’arbitrage de leur différend, l’arbitrage institutionnel par rapport à l’arbitrage ad hoc, l’arbitrage commercial par rapport à l’arbitrage prévu par un traité d’investissement — en plus d’étudier les avantages et les désavantages que présente l’arbitrage comparativement à d’autres modes de règlement des différends.
L’ouvrage s’appuie sur plusieurs sources pour décrire les étapes habituelles d’une procédure arbitrale en s’alignant étroitement sur la Loi type de la Commission des Nations Unies pour le droit commercial international (CNUDCI) sur l’arbitrage commercial international qui sous-tend de nombreuses lois nationales sur l’arbitrage, y compris toutes les lois canadiennes sur l’arbitrage. Il s’appuie également sur les règles de procédure et les directives n’ayant pas caractère obligatoire de divers organismes et institutions d’arbitrage international, comme l’Association internationale du barreau.
Cependant, là où l’ouvrage de Ferrari et Rosenfeld est le plus intéressant c’est lorsqu’il s’écarte de tout ensemble de règles et de procédures pour étudier sous tous les aspects les questions pratiques comme l’appréciation de la preuve ou les arbitrages particulièrement complexes en raison de la présence de nombreux contrats et de nombreuses parties. Les chapitres soulèvent alors des questions concernant la pratique de l’arbitrage selon des règles de base plutôt que le cadre élargi des règles et des lois sur lequel se concentrent davantage les autres chapitres.
Lorsque l’ouvrage aborde les lois nationales de pays particuliers et leur interaction avec l’arbitrage commercial international, il est nécessairement fragmenté au point de partir dans presque tous les sens. Ainsi, nous apprenons ce que la Haute Cour de Tokyo a à dire sur le droit de se faire entendre, ce que la Cour d’appel de Francfort a statué sur les irrégularités de procédure ainsi que sur l’indépendance et l’impartialité d’un arbitre, et découvrons la façon dont la Haute Cour de Singapour aborde la norme de contrôle judiciaire des questions de compétence. La jurisprudence canadienne y est également bien représentée, par exemple, la décision de la Cour suprême du Canada dans Dell Computer Corporation c. Union des Consommateurs et al., [2007] 2 RCS 801 concernant la compétence du tribunal arbitral pour statuer sur une question de droit, et la décision de la Cour fédérale dans Canada (Procureur général) c. S. D. Myers Inc. [2004] 3 CF 38 concernant le principe d’une intervention judiciaire minimale lorsqu’il est demandé à un tribunal d’annuler une sentence. Le commentaire de certains praticiens canadiens, comme Henry Alvarez, y figure également.
Ferrari et Rosenfeld ne permettent à aucun pays de prédominer dans leurs exemples, bien qu’il ait peut-être mieux valu qu’ils tiennent compte un peu plus de la jurisprudence des centres communs d’arbitrage commercial international. Quiconque souhaite une analyse approfondie de l’approche de l’arbitrage commercial international d’un pays particulier devra regarder ailleurs.
Ce livre relativement mince n’offre que des fragments et des aperçus, malgré certaines tentatives d’établir des catégories et de dégager des tendances. L’analyse décrit la façon dont les lois nationales peuvent diverger fondamentalement l’une de l’autre, et leurs répercussions sur l’arbitrage international. Dans certains pays, notamment l’Allemagne et l’Italie, la nullité partielle d’un contrat entraîne la nullité de l’ensemble du contrat, ce qui donne ensuite lieu dans l’arbitrage (y compris en vertu de la Loi type de la CNUDCI) à la doctrine de la divisibilité par laquelle une clause compromissoire est réputée constituer un accord distinct des autres modalités du contrat aux fins d’établissement de la compétence du tribunal arbitral. Apprendre des autres pays peut aider les praticiens canadiens à comprendre les éléments sous-jacents à certains instruments et pratiques d’arbitrage international. Ceux-ci visent parfois à aborder des questions qui ne sont pas usuelles en droit canadien.
La Convention pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères (la Convention de New York) domine à juste titre la discussion postérieure à la sentence arbitrale. Un examen minutieux de la Convention de New York couvre entièrement près d’un cinquième du livre. Ferrari et Rosenfeld examinent les exigences de la Convention de New York et la façon dont les tribunaux nationaux abordent l’exécution des sentences arbitrales.
Les auteurs terminent leur livre en établissant un lien entre la Convention de New York et l’étape postérieure à la sentence, plus généralement, et l’étape antérieure à la sentence. Ferrari et Rosenfeld examinent comment les décisions prises à l’étape de la rédaction peuvent influer sur la capacité d’exécuter une sentence rendue à la suite d’un arbitrage prévu dans un tel contrat.
International Commercial Arbitration: A Comparative Introduction constituera une ressource utile pour les praticiens de l’arbitrage de tous les pays, y compris le Canada, étant donné qu’il présente des notions élémentaires sur le domaine et rappelle les nombreux choix à faire dans la façon de régler un différend par l’arbitrage, lesquels sont guidés par les compétences nationales des praticiens de l’arbitrage, sans nécessairement se limiter à celles-ci. L’ouvrage offre aux praticiens canadiens une compréhension approfondie de l’arbitrage commercial international sur les plans conceptuel et pratique, y compris les points de vue de praticiens d’autres pays. En vertu de la Loi type de la CNUDCI (qui sous-tend les lois sur l’arbitrage de toutes les provinces et tous les territoires du Canada), il faut tenir compte de son origine internationale et de la nécessité de promouvoir l’uniformité. Cet ouvrage aide les praticiens canadiens à y parvenir en montrant comment l’arbitrage se développe à l’échelle internationale et dans d’autres pays. Ce livre peut inspirer les Canadiennes et les Canadiens qui exercent dans le domaine de l’arbitrage ou du litige national en les rendant plus créatifs dans le règlement des différends de leurs clients, même ceux qui n’exercent pas dans le domaine de l’arbitrage commercial international.
Commentaire de l’honorable juge Barry Leon
Un enseignement pratique du livre de Franco Ferrari et Friedrich Rosenfeld pour les avocats canadiens spécialisés en règlement des différends — et même pour les avocats spécialisés en règlement des différends de plusieurs pays — c’est que l’arbitrage ne devrait reproduire les procédures et les pratiques d’aucun appareil judiciaire national.
Ceux d’entre nous qui ont participé à des poursuites en justice dans un pays particulier sont peut-être à l’aise avec « la façon dont nous avons toujours procédé ». Cependant, nos façons de procéder ne sont pas uniques ni nécessairement les meilleures — pour chaque litige, à tout le moins. En fait, ces façons de procéder n’offrent généralement pas aux parties la souplesse dont elles ont besoin pour adapter les procédures et les pratiques en fonction de leurs circonstances.
Les façons de procéder en arbitrage commercial donnent aux parties à un différend et à leur conseiller juridique la possibilité d’adapter le processus d’arbitrage au différend et aux circonstances des parties, afin qu’il soit efficace sur le plan du temps et du coût, et de procéder d’une manière logique, compte tenu des circonstances. Presque rien ne doit être fait d’une manière particulière simplement parce que « c’est la règle ».
Les avocats qui considèrent l’arbitrage comme une poursuite en justice conduite en privé, assis à une table, ratent des occasions pour leurs clients.
L’arbitrage offre des options de processus de règlement des différends qui peuvent tirer profit d’une adaptation et de créativité. Si l’objectif est de permettre à un tribunal d’arbitrage d’obtenir ce dont il a besoin (éléments de preuve, droit pertinent, etc.) pour rendre une décision équitable, rapide et raisonnable, en conformité du droit choisi par les parties, les avocats des parties doivent examiner à chaque étape si l’activité permet de faire avancer cet objectif et s’il existe de meilleures façons de le réaliser.
Eric Morgan, Arb.B
Eric Morgan, Arb.B, est associé chez Kushneryk Morgan LLP, un cabinet de Toronto qui se spécialise dans la gouvernance d’entreprise, les poursuites liées aux valeurs mobilières et l’arbitrage et les poursuites pour les questions d’entreprise et commerciales. On l’a sélectionné pour faire partie des membres initiaux de la NextGen Roster (équipe de nouvelle génération) à Arbitration Place. https://kmcounsel.ca
L’honorable Barry Leon, CIArb
L’honorable Barry Leon, CIArb, arbitre et médiateur indépendant (Arbitration Place; 33 Bedford Row; Caribbean Arbitrators). Juge à la Cour de commerce des îles Vierges britanniques de 2015 à 2018. Médiateur agréé par l’IMI, ancien président de CCI Canada et membre des initiatives et organismes suivants : comité d’examen de la Loi de 1991 sur l’arbitrage, Campaign for Greener Arbitrationset comité organisateur de la CanArbWeek. Directeur administratif du Canadian Journal of Commercial Arbitration. Titulaire d’un prix du CPR International Institute pour une contribution extraordinaire à la diversité en PRD. https://www.arbitrationplace.com/arbitrator/barry-leon