Le règlement grâce à l’anxiété liée à la toge noire
L’incertitude et la crainte de perdre permettront peut-être de remporter la victoire
Par Gerald R. (Jerry) Genge, B.Sc.A., LL.M., ing., Arb.A., Méd.B.
Certaines personnes seront sans doute froissées par la lecture du présent article. Je veux que le lecteur ouvre son esprit à l’idée que le règlement de dossiers est davantage une affaire d’incertitude et de perte qu’une entente véritable. Cette incertitude et cette perte sont en grande partie la conséquence, consciente ou inconsciente, de « l’anxiété liée à la toge noire ».
Régler sinon…
Imaginez que vous arbitrez un litige civil. Même si chaque partie a des motifs d’ordre émotionnel, technique et contractuel pour s’engager dans un litige, à la fin de la journée, les deux parties savent que l’argent servira de remplacement à la justice. Les parties arrivent retranchées sur leurs positions, chacune convaincue de ses droits, et pleinement appuyées par un conseiller juridique habile à instaurer la confiance dans les points forts de leur affaire et les points faibles de l’autre partie. Votre travail au cours des prochaines heures ou journées consiste, entre autres, à ébrécher leurs moyens de défense, à chercher un terrain d’entente, à gérer l’émotion, à affronter l’intransigeance, à réorienter la conversation et à obtenir une entente. Selon ce qu’on nous a dit, c’est là le rôle d’un médiateur. Cependant, l’atout en réserve qu’utilisent les médiateurs est souvent de susciter ce que j’appelle l’ « anxiété liée à la toge noire ».
Vous renforcez l’anxiété liée à la toge noire en faisant diverses déclarations, à des moments différents, pour ouvrir la possibilité toujours présente qu’un juge des faits verra l’affaire d’une manière différente de la vôtre. Cependant, cela va au-delà de s’inquiéter de la probabilité qu’un juge soit d’accord avec la manière dont vous voyez les choses. Il s’agit d’un levier fondé sur la peur. Certains des médiateurs qui ont le plus de succès recourent à ce moyen. Ces médiateurs sensibilisent les parties aux coûts exorbitants, aux sentences arbitrales déraisonnables et aux possibilités considérables de perte. Les parties acceptent alors un compromis. Rarement les parties ont-elles une révélation qui les rend soudain altruistes ou compréhensives. Les parties sont souvent épuisées par le processus et viennent à manquer d’argent. Elles concilient le fait de débourser davantage avec le fait d’accepter moins comme une mesure permettant d’éviter l’incertitude et la crainte de perdre. Ce n’est pas l’approche idéale ou favorite, mais c’est une approche courante.
Processus, apparat et sermons moralisateurs
L’anxiété liée à la toge noire survient chez les parties qui n’ont pas l’habitude de la procédure en matière civile. Bien que les avocats plaidants soient à l’aise avec ce que Julie Macfarlane appelle la « justice en tant que processus », soit la maîtrise de l’avancement lent et coûteux d’une réclamation, des questions en jeu à la conclusion, les parties veulent que justice soit rendue et continuer leur vie comme elles le veulent. Le « processus » coûte cher et il est mal connu. Ainsi, la perspective de pénétrer dans une salle d’audience aux murs lambrissés de bois ancien, aux sièges ressemblant à des bancs d’église, empreinte de piété et de solennité peut faire hésiter une personne et l’amener à examiner des options moins stressantes. La personne s’inquiète de se trouver dans un cadre inhabituel, de passer par des détecteurs de métal, de se comporter d’une manière inhabituelle et de parler à voix basse et avec déférence, intimidée par l’édifice, la maison du droit. Qui veut cela?
Au Canada, les salles d’audience sont des lieux où le juge et les avocats portent une toge noire avec veston noir, col blanc et bavette blanche ou rabat – des vestiges des tribunaux britanniques du 17e siècle (eh bien ! au moins ils ne portent plus une perruque blanche poudrée). Ce harnachement ajoute au grand apparat de la salle d’audience. On a dit des pointes du rabat qu’elles représentent les Tables de la Loi remises à Moïse. Chaque jour, à son admission au barreau, un jeune avocat publie sur les médias sociaux une photo de lui dans la tenue vestimentaire qu’il portera dans la salle d’audience. Un avocat ne porterait jamais ces vêtements ailleurs qu’au palais de justice. Cela rappelle les réunions des sociétés secrètes – un masquage représentatif de la séparation distincte avec les gens ordinaires.
On entend constamment parler de « proportionnalité » dans le système judiciaire. La proportionnalité consiste à établir un juste équilibre entre le processus et l’affaire en cours. Il semble que cette piste de réflexion ne s’applique pas au port de la toge. La toge représente le contrôle, et cela peut amener une partie à croire que le défaut de régler un litige par voie de médiation signifie abandonner le contrôle aux personnes vêtues d’une toge. L’idée de s’asseoir à une table aux côtés d’une personne vêtue d’une toge et de regarder une personne revêtue d’une toge encore plus sophistiquée qui exerce un contrôle sur tout peut quand même déconcerter une personne.
Se mettre sur son trente et un ou ne pas se présenter
On s’attend à ce que les parties portent une robe ou un complet et des chaussures habillées, ne portent aucun chapeau, et que leur manteau, leurs sacs et leurs valises soient rangés hors de la vue du juge. Si un participant est un entrepreneur qui porte un complet sans chemise avec col et boutons, il va magasiner avant de se rendre au tribunal. Certaines personnes ressentent alors un certain degré d’hypocrisie. Elles peuvent penser… « Vous dites tous que je dois être honnête, mais la personne dont j’ai l’air aujourd’hui… ce n’est pas moi ». Avec un peu de chance, et sans montrer aucun signe d’irrespect envers les fonctions du système judiciaire et les personnes qui servent son objectif essentiel dans la société, il faut se poser la question suivante : à qui la tenue vestimentaire en salle d’audience profite-t-elle en fait? Pour certaines personnes, la crainte de se placer dans cette situation inhabituelle pourrait être suffisante pour influencer la négociation d’un règlement « hors cour » moins que satisfaisant.
L’anxiété liée à la toge noire, la crainte du litige, peu importe le nom qu’on lui donne, est réelle. Pour les parties, les situations inhabituelles deviennent des lieux à éviter. Cette anxiété, à tort ou à raison, est l’instrument contondant qui permet à plusieurs personnes d’obtenir un règlement. À mon avis, si l’anxiété liée à la toge noire devient le principal levier utilisé pour obtenir un règlement, c’est que la médiation s’est égarée et qu’il faudrait rechercher une meilleure solution de rechange.
Solutions de rechange
Outre la médiation, de nombreuses options en cours d’élaboration permettraient de régler un différend à l’amiable. Les expertises commencent à faire partie des litiges dans le domaine de la construction en raison des modifications apportées aux lois sur la construction, aux contrats et à d’autres ententes privées. Celles-ci ont tendance à être rentables et alignées sur les arbitres experts compétents. Les organismes qui régissent le droit administratif recourent couramment à des tribunaux de règlement des différends, bien que d’une portée limitée. De plus, la résolution actuelle des différends bien conçue, que je distingue du « règlement », gagne du terrain. Ces processus ne devraient pas être oubliés, car ce sont des solutions de rechange au règlement fondé sur la crainte qui découle de l’abandon du contrôle, par les parties, de leur réclamation.
Gerald R. (Jerry) Genge, B.Sc.A., LL.M., ing., spécialiste en conception des bâtiments, spécialiste en sciences du bâtiment de l’Ontario, Arb. A. et Méd.B., est le directeur de Genge Construction Adjudications, est titulaire d’un certificat en Advanced Adjudication for Administrative Agencies, Boards and Tribunals, est un médiateur qualifié et un arbitre agréé de l’IAMC, un médiateur et un arbitre du Tribunal de l’autorité du secteur des condominiums de l’Ontario et un arbitre qualifié de l’ODACC. M. Genge préconise une résolution rapide, économique et peu stressante des litiges par le biais de la médiation et de l’arbitrage.