L’industrie du financement de services de soutien au règlement de litige par des tiers est secouée par une onde de choc
Quelle place pour l’arbitrage international?
Par Timothy St. John Ellam and Alison Bond
La décision de la Cour suprême du Royaume-Uni dans l’affaire R (sur demande de PACCAR Inc et autres) (appelants) contre Competition Appeal Tribunal et autres (intimés) [2023] UKSC 28 a provoqué une onde de choc sur le marché du financement de services de soutien au règlement de litige par des tiers au Royaume-Uni et a semé l’incertitude sur la question de savoir si et comment les parties à l’arbitrage qui s’appuient sur le financement par des tiers sont affectées. Dans ce contexte d’incertitude, les parties à l’arbitrage doivent s’attendre à ce que les bailleurs de fonds tiers cherchent à revoir les accords de financement pour s’assurer de leur conformité.
La décision de la Cour suprême du Royaume-Uni dans l’affaire R (sur demande de PACCAR Inc et autres) (appelants) contre le Competition Appeal Tribunal et autres (intimés) [2023] UKSC 28 a provoqué une onde de choc sur le marché du financement de services de soutien au règlement de litige par des tiers au Royaume-Uni et a semé l’incertitude quant à la question de savoir si et comment les parties à l’arbitrage qui s’appuient sur le financement par des tiers sont affectées.
En résumé, la Cour suprême a décidé que les accords de financement de services de soutien au règlement de litige (« AFL »), en vertu desquels le bailleur de fonds est habilité à obtenir un pourcentage des dommages-intérêts accordés, constituent des accords fondés sur les dommages-intérêts (« AFD ») inexécutables et illégaux en vertu du régime législatif applicable. Si la position sur le financement de services de soutien au règlement de litige par des tiers est claire, la question de savoir si les arbitrages sont également concernés l’est moins. Dans ce contexte d’incertitude, les parties à l’arbitrage doivent s’attendre à ce que les bailleurs de fonds tiers cherchent à revoir les accords de financement pour s’assurer de leur conformité.
Aperçu de l’affaire
L’appel a été interjeté dans le cadre d’une procédure engagée par UK Trucks Claim (« UKTC ») et DAF Trucks Deutschland GmbH (« DAF ») devant le Competition Appeal Tribunal du Royaume-Uni (le « CAT »)[1]. DAF et UKTC ont demandé au CAT de rendre une ordonnance les autorisant à engager une procédure collective au nom des personnes qui ont acquis des camions auprès de différents fabricants de camions[2]. La Commission européenne a conclu qu’un accord entre certains constructeurs de camions constituait une infraction au droit européen de la concurrence[3]. Dans le cadre de la procédure du CAT qui s’en est suivie, UKTC et DAF ont allégué que l’infraction avait entraîné une hausse des prix des camions et ont demandé à être indemnisées pour les pertes causées par l’arrangement illégal[4].
La question que devait trancher la Cour suprême était de savoir si les AFL conclus par UKTC et DAF étaient des AFD[5] au sens de l’article 58AA de la Loi de 1990 sur les tribunaux et les services juridiques (Courts and Legal Services Act 1990)[6]. Les fabricants de camions appelants ont fait valoir que les AFL conclus par UKTC et DAF étaient des AFD au sens de l’article 58AA qui ne respectaient pas les exigences réglementaires et qui, par conséquent, étaient inexécutables[7].
Pour qu’UKTC et DAF obtiennent une ordonnance du CAT, elles doivent toutes deux disposer d’un financement adéquat pour assumer leurs propres coûts et les coûts d’une ordonnance défavorable[8]. Une conclusion de la Cour suprême selon laquelle les AFL ne satisfaisaient pas aux exigences de formalité signifierait que le CAT ne disposait pas d’une base valable pour rendre une ordonnance en faveur d’UKTC et de DAF[9].
La Cour suprême a jugé que les accords de financement conclus par UKTC et DAF étaient des DBA qui ne satisfaisaient pas à certaines exigences et étaient donc inexécutables[10]. Écrivant pour la majorité, Lord Sales a reconnu que la conséquence pratique de la décision de la Cour suprême était que la majorité des accords de financement de services de soutien au règlement de litige par des tiers, dans lesquels le bailleur de fonds joue un rôle passif dans le litige, mais est rémunéré en recevant une part de l’indemnisation, seraient inexécutables[11].
Impact de la décision sur l’arbitrage international
Écrivant pour la majorité, Lord Sales a reconnu que la conséquence pratique de la décision de la Cour suprême était que la majorité des accords de financement de services de soutien au règlement de litige par des tiers, dans lesquels le bailleur de fonds joue un rôle passif dans le litige mais est rémunéré en recevant une part de l’indemnisation, seraient inexécutables. Ce qui est moins clair, c’est l’impact de la décision de la Cour suprême sur les arbitrages se déroulant en Angleterre et au Pays de Galles.
À première vue, la disposition législative qui a abouti à la décision selon laquelle les accords de financement par des tiers d’UKTC et de DAF sont inexécutables semble englober l’arbitrage. La disposition en question comprend les accords de financement par de tiers relatifs aux « services d’assistance juridique », qui comprennent « tout type de procédure de résolution de litige (et non seulement les procédures devant un tribunal), qu’elle soit entamée ou envisagée » [traduction][12]. Il est difficile d’en conclure que les accords de financement de services d’arbitrage par des tiers ne sont pas concernés.
Néanmoins, compte tenu de la multiplicité des accords en jeu dans les procédures d’arbitrage international, notamment le contrat sous-jacent au litige, la convention d’arbitrage et l’accord de financement par un tiers, la position n’est pas tranchée et les praticiens de l’arbitrage apprécieraient d’avoir des indications à ce sujet. En attendant, bon nombre de praticiens s’attendent à ce que les bailleurs de fonds tiers fassent preuve de prudence et s’assurent que leurs accords de financement d’arbitrage sont conformes à la législation en vigueur. Dans ces circonstances, il n’y a probablement pas d’autre choix que de procéder ainsi.
[1] R (sur demande de PACCAR Inc et autres) (Appellants) c.Competition Appeal Tribunal and autres (Intimés) [2023] UKSC 28 (« PACCAR »), par. 4.
[5] L’article 58AA de la Loi de 1990 sur les tribunaux et les services juridiques (Courts and Legal Services Act 1990) définit un AFD comme « un accord entre une personne fournissant des services d’assistance juridique, des services de soutien au règlement de litige ou des services de gestion de réclamations et le bénéficiaire de ces services qui prévoit que i) le bénéficiaire doit effectuer un paiement à la personne fournissant les services si le bénéficiaire obtient un avantage financier spécifié en rapport avec l’affaire pour laquelle les services sont fournis, et ii) le montant de ce paiement doit être déterminé par référence au montant de l’avantage financier obtenu » [traduction].
[12] Article 58AA (7A) de la Loi sur les tribunaux et les services juridiques de 1990 (Courts and Legal Services Act 1990).
Timothy St. John Ellam, KC, FCIArb est partenaire au sein du groupe de résolution de litiges McCarthy Tétrault à Calgary, en Alberta, et à Londres, au Royaume-Uni. Il codirige le groupe d’arbitrage international de la firme. Monsieur Ellam est membre de la Law Society of Alberta et de la Law Society of England and Wales.
Alison Bond est partenaire au sein du groupe de résolution de litiges McCarthy Tétrault à Toronto, en Ontario, et est membre du groupe d’arbitrage international de la firme. Madame Bond est membre de la Law Society of Ontario et de la Law Society of England and Wales.