Vous voulez que le contrat soit correctement interprété et de façon concluante? N’oubliez pas de tenir compte des circonstances connexes
Par Joseph Roselli KC, FCIArb, ing.
Voici un scénario qui peut être évité. Après un long arbitrage portant sur un litige contractuel, le tribunal prononce une sentence fondée sur ce qui semble être une interprétation pleine de bon sens du contrat. Cependant, la partie perdante conteste la sentence devant la cour parce qu’elle ne tient pas compte des circonstances entourant le contrat, que le tribunal arbitral était tenu de prendre en compte. Les parties sont alors confrontées à une incertitude constante, à des retards et à des dépenses additionnelles.
Les arbitrages commerciaux portent souvent sur l’interprétation d’un contrat. Sauf exception, l’interprétation exige des arbitres qu’ils prennent en compte les circonstances qui ont entouré la conclusion du contrat[1]. Une sentence arbitrale doit tenir compte, dans une certaine mesure, des circonstances connexes, même lorsque le libellé du contrat ne présente aucune ambiguïté apparente.
Même si vous pensez qu’un contrat peut être considéré comme une exception reconnue à cette règle, comme les contrats types[2] qui peuvent ne pas exiger la prise en compte des circonstances connexes, préparez-vous à l’éventualité que le tribunal ne soit pas d’accord.
Voici quelques mesures importantes que vous pouvez prendre :
- Tenez compte des circonstances connexes dès le début de la planification de l’affaire, car les parties peuvent ne pas être d’accord sur les faits objectifs connus au moment de la conclusion du contrat. Déterminez comment obtenir et présenter des éléments de preuve à partir du moment où le contrat a été conclu. Cette mesure impose parfois de chercher des éléments de preuve datant de plusieurs dizaines d’années. Il est prudent de planifier à l’avance et de faire en sorte que les faits recherchés soient clairement établis.
- Présentez au tribunal la jurisprudence pertinente sur les circonstances connexes. Il se peut que certains arbitres ne soient pas au courant des décisions canadiennes dans ce domaine. Il ne faut pas présumer que les arbitres trouveront la jurisprudence et l’appliqueront.
- Déterminez les éléments de preuve qui, selon la jurisprudence, pourraient être considérés comme des circonstances connexes dans votre affaire. Ces éléments sont souvent décrits comme les faits objectifs connus des parties au moment de l’exécution du contrat ou avant, qui auraient influé sur la manière dont le contrat aurait été interprété par une personne raisonnable. Entre autres exemples :
- La genèse, le but ou l’objet de l’entente.
- La situation de la relation créée par l’entente.
- Le contexte commercial.
- Les facteurs relatifs au marché dans lequel les parties opéraient.
- Le niveau de connaissance des parties.
- Il faut aussi prévoir d’éventuels désaccords sur des points qui peuvent ne pas être considérés comme des circonstances connexes. Envisagez de présenter des arguments juridiques, des éléments de preuve et des arguments de recevabilité sur des points tels que :
- Les négociations précontractuelles.
- Les intentions subjectives quant à la signification du libellé du contrat.
- Les versions antérieures du contrat.
- Le comportement des parties après la signature du contrat.
- Les preuves extrinsèques.
- Les clauses relatives à l’intégralité du contrat.
- Les opinions d’experts sur la signification ou l’intention du contrat.
La prise en compte des circonstances connexes est un volet essentiel de l’approche contextuelle moderne de l’interprétation des contrats. Les tribunaux exigent que cela soit fait, sauf dans un petit nombre de circonstances. Malheureusement, il n’existe aucune liste exhaustive de ce qu’un tribunal peut considérer comme des circonstances connexes. L’examen précoce de ces points permet de s’assurer que la sentence définitive tient compte de toutes les questions contractuelles et d’éviter qu’elle ne puisse être contestée judiciairement avec succès sur cette base.
[1] Voir Sattva Capital Corp. contre Creston Moly Corp., 2014 SCC 53 (CanLII)
[2] Voir Ledcor Construction Ltd. contre Northbridge Indemnity Insurance Co., 2016 SCC 37 (CanLII)
Joseph Rosselli, KC, FCIArb, ing, est un arbitre en droit national et international. Il est également ingénieur et avocat et possède 30 ans d’expérience dans la résolution de litiges portant sur des affaires commerciales, des contrats, la technologie et la propriété intellectuelle, la construction, les sinistres majeurs, les obligations fiduciaires et la responsabilité professionnelle.